Publié le Vendredi 5 novembre 2021 à 08h00.

Birmanie/Myanmar : torture et répression ordonnées par la junte militaire

La junte militaire au pouvoir en Birmanie continue de faire face à la contestation. Ces dernières semaines, la répression ne s’est pas ralentie, bien au contraire.

L’Associated Press a publié une nouvelle enquête sur le recours à la torture dans tout le pays, montrant clairement qu’il ne s’agit pas d’incidents isolés mais d’une politique systémique1.

La campagne de torture de l’armée

Selon AP, sur les 28 prisonniers interrogés, tous sauf six ont subi une forme de torture. Ceux qui étaient détenus dans les mêmes centres ont produit des récits similaires, bien qu’ils aient été interrogés séparément, ce qui suggère que ce traitement relevait d’une une procédure standard. L’une des personnes interrogées a déclaré à l’AP s’être fait entailler la peau avec des tenailles ; on lui avait donné des coups de pied répétés dans la poitrine, on lui avait enfoncé un pistolet dans la bouche et on l’avait forcé à s’agenouiller sur des pierres pointues pendant des heures d’interrogatoire.

Un sergent qui a fait défection de l’armée a déclaré avoir assisté à la torture à mort de deux prisonniers dans l’État de Chin, ajoutant que les soldats avaient ensuite attaché des perfusions aux cadavres et forcé un médecin militaire à rédiger un faux certificat de décès. Le sergent a déclaré que l’ordre de dissimuler ces décès provenait des deux officiers les plus haut gradés de l’État de Chin, établissant ainsi une responsabilité directe de la part de la hiérarchie militaire.

En complément de ces excellents reportages, des récits d’abus horribles sont relayés par d’anciens détenus récemment libérés lors de l’amnistie de masse. Une écrivaine transgenre de la ville de Mandalay a parlé des abus sexuels et des tortures qu’elle a subis lors de son interrogatoire après avoir été arrêtée en septembre et accusée d’incitation en vertu de l’article 505-A du Code pénal. Saw Han Nway Oo a déclaré qu’elle avait été emmenée dans un centre d’interrogatoire du palais de Mandalay et accusée d’avoir reçu une formation militaire de l’Armée d’indépendance kachin. Là, on l’a coupée avec un couteau, on lui a jeté dessus de l’eau chaude et on l’a frappée avec la crosse d’un fusil et des fils électriques. Elle a déclaré que les soldats l’avaient également forcée à leur montrer ses parties génitales pour voir si elle avait « subi une opération », qu’elle avait été contrainte de porter des vêtements masculins et qu’elle avait été envoyée dans le quartier des hommes de la prison d’Ohbo.

Des journalistes accusés de « terrorisme »

La junte a intensifié sa guerre contre le journalisme en inculpant – cette semaine [du 21 au 28 octobre] – au moins six journalistes en vertu de la loi antiterroriste. Des accusations ont été portées contre Win Naing Oo, chef du personnel de la chaîne locale Channel Mandalay, et cinq journalistes du Zeyar Times, basé à Sagaing, dont le rédacteur en chef Saw Yan Paing. Tous ont été initialement inculpés en vertu de l’article 505-A du Code pénal, mais leur chef d’accusation a été modifié pour devenir une accusation plus grave. Win Naing Oo a été inculpé en vertu de l’article 52(a) de la loi antiterroriste qui prévoit une peine de trois à sept ans de prison. Les charges retenues contre lui pourraient être liées au fait qu’il a été arrêté dans une planque située dans la commune de Sintgaing, qui aurait également hébergé des membres des PDF (People’s Defence Force). Les PDF sont liées au Gouvernement d’unité nationale.

Les cinq journalistes du Zeyar Times ont été inculpés en vertu des sections 50(a) et 50(c) de la loi antiterroriste, qui prévoit une peine minimale de 10 ans et maximale de prison à vie. Trois des accusés sont toujours en fuite, dont le rédacteur en chef Saw Yan Paing, tandis que la page Facebook du journal a été supprimée. Les deux détenus sont D Myat Nein – qui a été arrêté alors qu’il couvrait pour son journal les conséquences d’une explosion en juillet, et Pyae Phyo Aung, qui a été arrêté ce mois-ci, après avoir reçu l’ordre de se rendre dans un poste de police et de signer une déclaration indiquant qu’il ne travaillait plus pour le journal.