Dimanche 21 février, on votait en Bolivie pour ou contre la possibilité d’une nouvelle élection d’Evo Morales à la présidence de la République en 2019.
Morales était sûr de son coup... mais le Non a gagné de 135 000 voix, 51,30 % contre 48,70 %. Les résultats sont lourds de conséquences pour le pays et traduisent aussi un recul systématique des gouvernements dits progressistes en Amérique latine.
En sa faveur, le gouvernement avait les voix de la paysannerie indigène et l’appui de la direction des syndicats : la COB, la Fédération des Miniers, les Fabriles... La Bolivie connaît un fort processus d’étatisation et de cooptation du mouvement populaire. Néanmoins, les grandes villes ont voté pour le Non : ainsi, Morales a perdu à Santa Cruz, Potosí, Cochabamba et aussi à El Alto, banlieue populaire de La Paz où le MAS a aussi perdu la mairie il y a quelques mois. La petite bourgeoisie ainsi qu’une partie de la classe ouvrière, de la population des quartiers, de la jeunesse, se sont prononcés contre la réélection de Morales.
L’appui à celui-ci reste pourtant loin d’être négligeable et le MAS peut continuer à rêver de rester au pouvoir pendant de longues années. Son gouvernement est le plus stable de l’histoire de la Bolivie et le ministre de l’Économie est en place depuis 10 ans. Le climat des affaires est excellent, le budget est relativement contrôlé et les investisseurs étrangers présents.
Les anticapitalistes, entre Non et abstention...
Toutefois, les bases du régime se fissurent. La prospérité, relative, de la Bolivie et la popularité du MAS, se sont appuyés sur les revendications indigènes et la hausse du prix des matières premières. La réforme agraire n’était pas au programme du gouvernement, et l’industrie minière s’est développée sur une base « extractiviste ». De plus, les prix du gaz et du soja sont en train de s’effondrer. L’augmentation de la rente pétrolière avait permis une politique fiscale expansive, mais aujourd’hui les programmes sociaux disparaissent. Par contre, la corruption et le clientélisme continuent d’être à l’ordre du jour. Le MAS est populaire, mais le gouvernement de Evo Morales n’est ni anti-impérialiste révolutionnaire ni anticapitaliste, et sa base populaire est contrôlée par l’appareil d’État.
Les groupes et militantEs de la gauche anticapitaliste bolivienne se sont divisés entre le vote Non et l’abstention. Une discussion légitime entre ceux qui ont choisi de ne pas s’inscrire dans le référendum, un mécanisme institutionnel contre le peuple et la classe ouvrière, et ceux qui défendaient un vote Non contre un régime bonapartiste. La délimitation politique avec le gouvernement et le MAS est nécessaire, et la question clé, en Bolivie comme ailleurs en Amérique latine, reste la capacité de la gauche révolutionnaire à gagner sa place dans les organisations ouvrières, populaires et de la jeunesse, sur la base d’une politique indépendante et de mobilisation. Cela reste notre réponse à la crise de la gauche au pouvoir et à la droite qui a repris l’initiative.
Marcelo N.