Les problèmes de Dilma Rousseff n’ont pas commencé dimanche 15 mars avec les manifestations contre son gouvernement...
Tout au long de son premier mandat, l’économie brésilienne était semi-stagnante, et depuis les grandes mobilisations de 2013, il est devenu clair que le modèle économique et politique des gouvernements PT (concilier les intérêts des grandes entreprises et l’amélioration du niveau de vie des classes inférieures) menait à l’impasse. Les enquêtes sur la corruption dans la principale entreprise de l’État, Petrobras, impliquent un grand nombre des principaux dirigeants des partis qui soutiennent le gouvernement, y compris le PT. Certains politiciens de droite sont également impliqués, avec de nombreux signes que la corruption avait commencé avant les gouvernements PT.Les sondages sont devenus de plus en plus négatifs : 62 % trouvent que le gouvernement est mauvais ou très mauvais, contre 13 % bon ou excellent. Cela ressemble aux pires moments de Cardoso ou de Collor en 1992, avec une même explication : tous ont mené une politique perçue comme le contraire de ce qu’ils avaient promis dans la campagne. Au Brésil, on appelle ça la « fraude électorale »...Rousseff a gagné les dernières élections en accusant Marina Silva et Aécio Neves de vouloir gouverner pour les banquiers, augmenter les taux d’intérêt, promouvoir l’austérité et supprimer des droits des travailleurs. Elle s’est présentée comme une alternative populaire au candidat des riches et de la droite, et avait réussi à mobiliser des gens qui avaient été déçus par le PT.
Les reculs du PT renforcent la droiteQuelques semaines plus tard, Rousseff a présenté un gouvernement très à la droite, plus que ceux de Lula et de son premier mandat. Le nouveau ministre des Finances est un économiste formé à Chicago, soutenu par une des plus grandes banques brésiliennes (Bradesco). Le gouvernement a annoncé des mesures très conservatrices sur le plan économique : taux d’intérêt plus élevés, austérité, et réduction des droits des travailleurs (par exemple l’accès plus difficile à l’assurance chômage et aux pensions) ! Le gouvernement a expliqué que la situation économique est difficile, ce que Rousseff avait nié pendant toute la campagne.Le désenchantement de nombreux électeurs de Dilma et la démobilisation de ses partisans ont créé un environnement favorable à la droite (renforcée par le vote Aécio Neves) qui a ainsi élargi sa base, y compris pour aller dans la rue. Face à cette agressivité accrue de la droite et le début d’une campagne pour destituer la présidente, le PT et ses alliés n’ont pu faire rien de mieux que l’organisation de manifestations contre le « golpismo » (« putchisme »), pour le « soutien critique » au gouvernement !Pour l’instant, la destitution de Rousseff semble peu probable. Les partis de droite veulent « saigner » le gouvernement, mais pas le destituer, y compris parce que la poursuite des enquêtes, Petrobras et d’autres liées à la corruption, a tendance à compliquer les choses aussi pour eux et l’ensemble du Congrès. Enquêtes, austérité et dégradation de la situation économique, cela pourrait vite devenir hors de contrôle.En face, il y a aussi une mobilisation à la gauche du gouvernement, avec des grèves dans divers secteurs. La polarisation sociale augmente, dans un contexte compliqué. Ce qui semble en tout cas clair, c’est que le cycle des gouvernements PT tend à se terminer d’une manière peu glorieuse...
De Sao Paulo, Joao Machado