C’est la quatrième fois depuis la chute de Compaoré que le Régiment de sécurité présidentielle (RSP) tente d’enrayer l’action du gouvernement de transition au Burkina Faso qui devait mener à des élections présidentielles et législatives le 11 octobre.
Le RSP était la garde prétorienne de Blaise Compaoré, véritable armée dans l’armée. Ce corps d’élite bénéficiait de toutes les attentions de l’ancien régime tant en armes qu’en moyens financiers, et une totale impunité. Tout au long du règne de Compaoré, il a assuré le travail de répression contre les mobilisations populaires ou les mutineries des autres corps de l’armée du Burkina.
Le RSP n’a cessé de peser comme une épée de Damoclès sur le gouvernement de transition et n’a pas hésité à utiliser pressions, menaces et violence contre le gouvernement pour obtenir gain de cause. Cette fois-ci, le RSP vient de franchir la ligne rouge en organisant un coup d’État et en détenant le président de transition Michel Kafando et le Premier ministre Isaac Zida.
Le RSP tente de justifier son coup d’État au nom de la défense de la démocratie, critiquant l’interdiction faite aux membres du CDP, le parti de l’ancien régime qui a soutenu le projet de tripatouillage de la Constitution qui aurait permis à Blaise Compaoré de s’éterniser au pouvoir. Mais au-delà du soutien à la clique de l’ancien régime, c’est bien la survie du RSP qui est posée. En effet, dans son rapport, la CRNR (Commission de la réconciliation nationale et des réformes) préconisait la dissolution de ce corps.
L’incontournable Diendéré
Dans sa déclaration, le RSP instaure le couvre-feu, ferme les frontières, et nomme comme président Gilbert Diendéré, ancien chef d’état-major particulier de Compaoré. Si l’ensemble des organisations internationales, Union Africaine et Nation-Unies, ont condamné le coup d’État tout comme les chancelleries occidentales, il ne faudrait pas oublier que Diendéré a été formé dans les écoles militaires américaines et françaises, a reçu la distinction de chevalier de la Légion d'honneur en mai 2008... C'est une pièce maîtresse de l’état-major français qui dispose d’un contingent de militaires dans le pays pour la lutte contre le djihadisme.
Impliqué comme son mentor Blaise Compaoré dans l’assassinat de Thomas Sankara, Diendéré a été de tous les sales coups, notamment dans l’aide et le soutien apporté au seigneur de guerre Charles Taylor, condamné pour crimes contre l’humanité dans le conflit qui a déchiré la Sierra Leone et le Liberia.
A l’exception des anciens partisans de Compaoré qui soutiennent ce coup d’État, la condamnation des putschistes est unanime dans le pays. Dès la nouvelle du coup de force, les appels à la mobilisation se sont multipliés : l’Unité d’action syndicale, un front de plusieurs syndicats, a appelé à une grève générale, et les organisations de la société civile, comme le Balai Citoyen qui a joué un rôle moteur dans les mobilisations anti-Compaoré, ont appelé à la résistance dans tous les quartiers et les villages.
Les membres du RSP quadrillent en Jeep et en moto les principales artères de la capitale Ouagadougou, tirant à l’arme automatique sur les personnes qui tentent de manifester. Au moment où ces lignes sont écrites, les organisations de la société civile font état d’une dizaine de morts et le correspondant de RFI parle de véritable chasse à l’homme. Par contre en Province, où le RSP est absent, les manifestations s’organisent, notamment à Bobo-Dioulasso, deuxième ville du pays, où les habitants sont descendus massivement dans la rue. A Yako, le village natal de Diendéré, les jeunes ont même mis le feu à son domicile.
Pour l’instant les putschistes tentent de compenser leur absence même minime de base sociale et de soutien en exerçant une répression féroce contre la population. Pas sûr qu’ils durent bien longtemps...
Paul Martial