Bien que passée sous silence, l’exploitation minière par les multinationales au Burkina Faso provoque misère des populations et dégradations environnementales, favorisant la montée en puissance des groupes djihadistes.
Les jours passent et contrairement aux affirmations de la junte, la situation ne s’améliore pas, bien au contraire. Les morts parmi les civils ne sont plus seulement dus aux attaques des djihadistes mais aussi à celles des militaires censés protéger la population. La tuerie de Karma le 20 avril dernier l’illustre tragiquement.
Représailles contre les populations
Au début, les autorités burkinabées ont émis des doutes sur la véracité des massacres dans village de Karma, puis ont parlé d’une soixantaine de morts tandis que les organisations de la société civile évaluent à 156 victimes dont 83 hommes, 28 femmes et 45 enfants. Les porte-parole de la junte tentent d’en rendre responsables les djihadistes, émettant l’hypothèse d’une utilisation des uniformes de l’armée pour mieux la discréditer. Les dernières enquêtes d’Amnesty International et de Human Rights Watch sont formelles. Il s’agit bien d’un acte perpétré par les forces armées du Burkina, s’inscrivant probablement dans une opération de représailles à la suite de l’attaque par les djihadistes du village voisin d’Aourema. Dans l’incapacité de bloquer l’avancée des islamistes armés, les militaires accusent les civils d’être leurs complices. Cette politique ne peut qu’amener une détérioration de la situation sécuritaire dans le pays.
Un curieux oubli
Ce conflit au Sahel a des causes multiples. On peut citer les tensions qui se sont exacerbées dans les communautés dont les strates sociales restent aussi rigides qu’injustes, les conflits entre les communautés pour l’accession aux ressources en eau ou en terre, le changement climatique qui aggrave les conditions de vie, la lutte pour le contrôle des flux de marchandises qui circulent à travers les frontières de manière illégale, l’incapacité de l’État à répondre à ses obligations vis-à-vis des citoyenEs sans compter les violences des militaires. L’enrôlement des jeunes dans les groupes armés s’explique par la volonté de vengeance, de protection de sa communauté ou parce que cela est devenu le seul moyen de gagner sa vie. Si ces thèmes sont largement développés par les experts et les journalistes, curieusement les conséquences des politiques des sociétés minières multinationales sont rarement abordées bien qu’elles participent à la dégradation sécuritaire du pays.
Les multinationales accaparent les terres et l’eau et accentuent la pauvreté
Le Burkina Faso a connu un boom minier principalement lié à l’exploitation aurifère. En 2015, la production s’élevait à 35 tonnes, elle est passée à près de 67 tonnes en 2021. Cette exploitation est assurée par les principales multinationales du secteur dont la plupart sont canadiennes comme Endeavour Mining, Roxgold ou Orezone Gold.
Ces exploitations ont percuté de plein fouet les habitantEs en menant des politiques d’accaparement des terres qui manquent cruellement pour les activités de culture et d’élevage. Ainsi, paysanEs et éleveurs ont été expulséEs de leurs terres, l’eau a été préemptée au détriment des villageoisEs pour les besoins des mines, et les dégâts environnementaux sont considérables. Certes des indemnités ont été distribuées, mais elles sont très loin de compenser les pertes subies par les populations. Le bilan des implantations des mines est un appauvrissement des populations mais aussi une concurrence entre elles pour bénéficier d’un emploi sur les sites aurifères. Une telle concurrence favorise les oppositions entre villages environnants mais aussi entre habitantEs dont certains optent pour des stratégies individualistes de survie. En parallèle, les multinationales ont délogé par la force des milliers d’orpailleurs individuels, les privant soudainement et sans aucune compensation de leur moyen de subsistance. Ces politiques ont provoqué des violences marquées par de nombreuses attaques de mines par les villageois eux-mêmes, entraînant une répression féroce des autorités. Dans ces conditions les rapprochements entre une partie des villageoisEs, notamment les plus jeunes, avec les groupes armés deviennent de plus en plus fréquents. Les groupes djihadistes, en exploitant habilement ces injustices, en dénonçant la collaboration entre les autorités et les occidentaux gagnent l’assentiment des populations spoliées.