En dépit des mobilisations populaires et des accords d’Arusha, Pierre Nkurunziza a fait le forcing pour se maintenir au pouvoir en organisant une mascarade électorale au risque de plonger le pays dans un nouveau cycle de violence.
Les élections présidentielles du 19 juillet ont été un camouflet pour le pouvoir en place. L’abstention a été encore plus massive que lors des élections locales du 29 juin qui avaient déjà connu un taux record. Au niveau de Bujumbura, la capitale, les observateurs parlent de bureaux de vote déserts. Dans le reste du pays, la participation reste certes plus importante – le parti au pouvoir, le CNDD-FDD, gardant une certaine base sociale – mais surtout les Imbonerakure, l’organisation de jeunesse du parti qui se comporte comme une milice, ont fait pression sur les populations pour qu'elles aillent voter.
En l’absence de candidats de l’opposition qui ont boycotté le scrutin, les résultats ne font pas de doutes, Nkurunziza sera élu.
Ces élections marquent l’échec de la diplomatie africaine, qui n’a pas réussi à empêcher la dérive autoritaire du pouvoir et à imposer les accords d’Arusha signés en 2000 qui ne prévoient que deux mandats. La médiation des dirigeants des pays de l’Afrique de l’est n’a réussi à imposer qu’un report des élections de… six jours ! Il est vrai que le médiateur désigné, le président de l’Ouganda Museveni, est assez mal placé pour donner des leçons, lui qui est au pouvoir depuis 29 ans et vient de faire emprisonner Kizza Besigye et Amama Mbabazi, deux candidats de l’opposition aux élections présidentielles de son pays...
Répression, exil, et après ?
L’objectif principal des dirigeants de la région n’est certainement pas de promouvoir la démocratie et les élections libres et transparentes, mais de stabiliser le pays dans une région qui a connu moult conflits et reste des plus fragiles. La diplomatie ougandaise s’oriente donc vers un partage de pouvoir entre le CNDD-FDD et l’opposition. Et déjà Nkurunziza s’est déclaré favorable à un gouvernement d’union nationale. L’opposition qui avait réussi à rester unie lors des mobilisations populaires contre le coup de force constitutionnel risque de se fragmenter, certains en cédant aux sirènes du pouvoir et d’autres en faisant le choix des armes. Une telle situation serait dramatique pour un pays qui a connu une guerre civile.
Depuis que la lutte contre le troisième mandat a démarré, plus de 90 personnes ont été assassinées, des centaines blessées et autant arrêtées. 150 000 personnes se sont exilées vers les pays voisins et s’entassent dans des camps de réfugiés insalubres, fuyant les violences de la police et des Imbonerakure. Alors que les accords d’Arusha avaient permis de mettre fin à la guerre civile en instaurant une inclusivité dans le partage du pouvoir, Nkurunziza risque de faire basculer le pays dans la violence, son clan n’ayant d’ailleurs pas hésité à diviser et à promouvoir la haine ethnique entre Hutu et Tutsi.
Cette tentative de division ethnique a échoué. Ensemble, Tutsi et Hutu se sont retrouvés dans la rue, bravant la répression, pour lutter pour la démocratie dans le pays à l’image des luttes qui se sont produites au Sénégal ou au Burkina Faso. Cette unité est un formidable point d’appui pour les organisations de la société civile pour continuer la lutte.
Paul Martial