Publié le Lundi 13 octobre 2025 à 14h14.

Nigeria : l’offensive antisyndicale battue en brèche

Le milliardaire nigérian Dangote a échoué dans sa politique antisyndicale grâce à la mobilisation des salariéEs et de leurs organisations.

Aliko Dangote est l’homme le plus riche d’Afrique. Sa fortune s’élève, d’après le magazine Forbes, à plus de 23 milliards de dollars. Issu d’une famille très riche, s’il a commencé à faire fortune dans l’industrie du ciment, il a surtout bénéficié d’une page sombre de l’histoire du pays.

Tentative d’interdire les syndicats

En 1983, un coup d’État est mené. Les putschistes décrètent la « guerre contre l’indiscipline ». La répression frappe le pays. Les hauts fonctionnaires et les chefs d’entreprise accusés de corruption sont jetés en prison. Dangote en profite pour occuper de larges pans économiques laissés vacants.

En 2016, il a investi 20 milliards dans la construction de la plus grande raffinerie du continent, avec un potentiel de production de 650 000 barils par jour. En parallèle, il a mis en place un nouveau système de distribution pour les stations-service du pays nécessitant la commande de 4 000 camions pour acheminer les produits pétroliers, avec les embauches correspondantes de chauffeurs. Dans leurs contrats de travail figurait une clause interdisant l’affiliation au syndicat de la branche, le Nigeria Union of Petroleum and Natural Gas Workers (NUPENG).

Une attaque syndicale parfaitement illégale. En effet, l’article 40 de la Constitution du pays consacre la liberté d’affiliation, et le Nigeria est signataire de la convention 87 de l’Organisation internationale du travail garantissant la liberté syndicale. L’offensive de Dangote contre les droits des travailleurEs s’est poursuivie. La direction de la raffinerie a licencié 800 salariéEs de l’encadrement qui avaient adhéré au Petroleum and Natural Gas Senior Staff Association of Nigeria (PENGASSAN), le syndicat des cadres de la branche pétrochimique. De plus, la direction ne cachait pas sa volonté de mettre en place un syndicat maison.

La riposte

Le NUPENG et la PENGASSAN, avec le soutien du Nigeria Labour Congress, ont lancé un arrêt de travail qui a paralysé la raffinerie, avec la menace d’une grève générale dans le pays.

Les perturbations dans l’industrie pétrolière, secteur primordial pour le pays, ont poussé le gouvernement à intervenir. Une première réunion a eu lieu le 6 septembre sans résultat, la délégation patronale quittant la table de négociation. Pendant ce temps, un début de pénurie commençait à frapper le pays. Après plusieurs réunions, Dangote cède et un protocole d’accord est signé. La direction s’engage à respecter le droit syndical, abandonne le projet d’implantation d’un syndicat jaune et réintègre sans perte de salaire les 800 cadres à leurs postes.

Le président du NLC, Joe Ajaero, a souligné l’importance de cette bataille : « Une attaque contre un syndicat est une attaque contre tous. Si nous permettons au groupe Dangote de réussir, aucune industrie ni aucun travailleur au Nigeria ne sera en sécurité. Cela créera un précédent dangereux selon lequel le capital est au-dessus de la loi. »

Paul Martial