À l’appel des locataires du 130 Gowan Avenue à Toronto, qui luttent contre une hausse de loyer abusive de leur propriétaire Starlight Investment, des locataires se sont rassemblés le 15 février devant le siège social de l’Office d’investissement des régimes de fonds de pension du secteur public (PSP), au centre-ville de Montréal.
Société de la couronne, PSP est le plus important gestionnaire de fonds pour le secteur public fédéral, qui inclut la fonction publique, la Gendarmerie royale, les Forces armées canadiennes et les Forces de réserve. L’une des avenues privilégiées de PSP est le secteur immobilier, et la société est un investisseur majeur dans Starlight. Le portefeuille immobilier de PSP est d’une valeur de 56 milliards de dollars canadiens [39 milliards d’euros], dont 37,4 % dans des résidences pour retraitéEs et des logements.
Droit au logement bafoué
Une crise du logement sévit dans les villes canadiennes, de Vancouver à Halifax, en passant par Toronto et Montréal. C’est maintenant une lapalissade d’affirmer que le droit au logement est fragile, voire bafoué. En témoignent les nombreux articles et reportages dans les médias qui rapportent des cas de « rénovictions », de hausses de loyers abusives, de reprises illégales, de conversions en condos et le désespoir des locataires dans la course effrénée pour trouver un logement disponible en juillet. Et ce n’est pas l’apanage des grands centres.
Parmi les nombreuses causes systémiques du mal-logement, la financiarisation de l’immobilier est peut-être l’une sur laquelle les groupes sociaux ont le moins de prise et qui échappent le plus facilement aux critiques. Pour les fonds d’investissement, le logement est une importante source d’accumulation et de spéculation. Selon un rapport de l’ONU publié en 2017, « le marché de l’immobilier mondial avoisine 217 000 milliards de dollars dont 75 % correspondent à des logements. » Or, que des firmes d’investissement associées au gouvernement et aux syndicats s’enrichissent aux dépens des locataires est inacceptable. C’est le cas notamment du fond de solidarité FTQ, le plus important fond d’investissement dans l’immobilier au Québec avec quelque 5 720 unités résidentielles et qui gère même directement un parc immobilier qui compte quelque 21 sites en location.
Des projets « par et pour la finance »
De plus en plus, les investissements dans le logement contribuent à éloigner ce dernier de sa fonction sociale. L’exemple de Starlight Investment et de PSP en est flagrant. Le bien-être des locataires se trouve bien bas dans la liste de priorités des gestionnaires ; les rénovations au 130 Gowan ont entraîné des coupures d’eau et de chauffage ; les locataires – qui devaient déjà composer avec le télétravail et l’école à distance – étaient informés de ces coupures dans de courts délais ; finalement, les modifications, principalement esthétiques dans les espaces communs et les façades, visent surtout à justifier des hausses de loyers et à profiter des départs massifs. Et les fonds d’investissement sont loin d’être innocents dans ces manœuvres. Comme le soulignait le rapport du Collectif de recherche et d’action sur l’habitat (CRACH) publié en 2020, « les projets sont de plus en plus façonnés par et pour la finance ».
Le rassemblement visait surtout à apporter notre soutien à la lutte des locataires du 130 Gowan à Toronto contre Starlight et PSP. Cependant, nous souhaitons souligner que cette situation est loin d’être unique à Toronto. La crise du logement, exacerbée par la crise sanitaire, menace les locataires dans le monde entier. Dans un contexte où la mobilité est encore plus restreinte à cause des mesures de confinement, la financiarisation ajoute une pression supplémentaire sur les ménages locataires qui devaient déjà composer avec des logements insalubres, des loyers exorbitants et l’insécurité locative. Il est inacceptable que l’investissement des fonds de pension publics contribue à la détérioration des conditions de vie des locataires.