Publié le Mercredi 1 avril 2020 à 13h48.

Chato Galante : radicalement humain

José Maria Galante, dit « Chato », est décédé, le week-end dernier, du Covid-19. Il fut militant de la LCR de l’État espagnol, a été emprisonné cinq ans dans les geôles franquistes, et est passé entre les mains du tortionnaire Antonio Gonzalez Pacheco, alias Billy el Nino (le Kid). Depuis plus de 40 ans, Chato se battait notamment pour que toute la vérité soit dite sur la dictature franquiste. Nous lui rendons hommage en publiant un texte de Martí Caussa, membre de la rédaction de « Viento Sur ». 

Alors que Chato est parti, le souvenir le plus fort que j’ai de lui est sa volonté de se comporter radicalement en tant qu’être humain, c’est-à-dire en solidarité avec la lutte de tous les êtres humains pour leur émancipation.

J’aurais pu choisir des mots plus politiques, mais en ce moment ce sont ceux qui me semblent les plus adaptés et les plus universels. Ce sont aussi des mots qui me rappellent ceux qu’il employait pour expliquer comment il avait réussi à résister à la torture par laquelle Billy el Niño et d’autres criminels ont tenté de le briser : en se criant à lui-même « Je suis un être humain ! »

Je pense que dans ces mots réside l’impératif éthique qui l’a conduit à lutter contre la dictature de Franco quand il était étudiant, à se rebeller contre le meurtre d’Enrique Ruano par la police, à militer au FLP et plus tard à la LCR, où il a passé les meilleures années de sa vie. À surmonter, aussi, le désenchantement de la transition et la douleur de l’échec de la fusion entre la LCR et le MC. Et également ce qui l’a encouragé à travailler, plus tard, dans Ecologistas en acción, à impulser le collectif La Comuna, à promouvoir la « querella argentina » [plainte argentine] contre les crimes du franquisme, et tant d’autres choses.

Parce qu’il était radicalement humain, Chato était un communiste démocratique. Non seulement il ne voyait pas de contradiction entre ces deux mots, mais il pensait que l’on ne pouvait pas être radicalement l’un sans être l’autre. C’est pourquoi il était membre de la LCR et de la IVe Internationale. Il croyait fermement que l’on ne pouvait pas défendre la démocratie dans la société et, en même temps, la nier dans le parti, les syndicats ou les mouvements sociaux. C’est ce qu’il a très bien expliqué dans le chapitre qu’il a écrit pour le livre Histoire de la LCR.

Ce lien entre le communisme et la démocratie le rendait peu orthodoxe pour la plupart des communistes et pour la plupart des démocrates. Mais cela lui a donné la force nécessaire, à la fois lorsqu’il était membre d’un parti et lorsqu’il n’en était pas membre, comme ces dernières années, durant lesquelles il était communiste sans parti engagé dans les mouvements sociaux. Au sein de ces derniers, il a toujours été une personne de confiance, un membre de plus de ce réseau de militants auxquels les gens font confiance, à la fois en période de montée des luttes et en période de reflux, car leur trajectoire personnelle est une assurance. C’est l’une des nombreuses choses qu’il partageait avec Justa, son grand amour et compagne de toute une vie.

Chato écrivait bien et transmettait de la force par ses paroles, mais il a toujours dit qu’il préférait l’action aux mots. Et ce qui était frappant chez lui, c’était l’adéquation entre ses paroles et ses actes, ainsi que le fait qu’il n’essayait pas d’être une vedette et savait nous faire comprendre que la force est dans le collectif, que chacun est capable de penser par lui-même, de transmettre aux autres et d’agir collectivement. Il faisait confiance aux gens et les gens lui faisaient confiance. Parfois, un simple geste suffisait pour toucher nos cœurs et nos esprits.

À plusieurs reprises, Chato a dit que pour résister à la torture, il avait imaginé que ses camarades, les personnes avec lesquelles il partageait des luttes, ses amis et amies, le surveillaient et qu’il ne pouvait pas les décevoir.

Maintenant que tu es parti, mon ami, nous ferons de même : nous imaginerons que tu nous regardes, nous essaierons de ne pas te décevoir et d’agir radicalement en tant qu’êtres humains.

Chaque fois que nous le pourrons, nous le ferons avec Justa, nous nous prendrons dans nos bras et nous rirons comme au bon vieux temps.

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On pourra également lire l’interview de Chato que nous avions réalisée à l’occasion de la sortie du film « le Silence des autres » (2019).