L’enquête préliminaire ouverte par une plainte déposée en 2006 par plusieurs associations antillaises vient d’être clôturée. Le délai est à lui seul un scandale (15 ans d’enquête sur des faits qui se sont produits entre 1972 et 1993), et tout cela pour ne réclamer aucune mise en examen, ce qui annonce un probable non-lieu.
Envisager un non-lieu dans une affaire où une population a non seulement été empoisonnée pendant des années par un produit reconnu dangereux puisqu’interdit aux États-Unis dès 1975, mais où 90 % de la population actuelle est toujours exposée aux contaminations contenues dans les sols et la mer aujourd’hui encore, est un pur non-sens. Sauf à se rappeler le déni colonial : ce produit interdit tardivement en France (1990) a continué à être utilisé dans les bananeraies de Martinique et Guadeloupe jusqu’en 1993, territoires mis hors du droit commun, du fait colonial.
Les lectrices et lecteurs de l’Anticapitaliste connaissent le scandale de l’empoisonnement des terres, des rivières, des mers côtières et des personnes par le chlordécone, ce pesticide perturbateur endocrinien répandu dans les bananeraies de Martinique et de Guadeloupe pour le profit des gros planteurs depuis le début des années 1970 alors que l’on savait sa dangerosité depuis le début des années 1960.
Large mobilisation
On se souvient de la puissante manifestation du 27 février 2021 (plus de 10 000 personnes dans les rues de Fort-de-France) suite aux rumeurs de risques de non-lieu pour cause de « prescription » d’une chaine de crimes dont les effets dureront, d’après les scientifiques, des centaines d’années.
Fin mars 2022, les deux juges d’instruction chargés de l’enquête ont conclu, sans aucune mise en examen, et il y a un très fort risque que le procureur confirme.
Bien évidemment la population ne l’accepte pas. Nous sommes une bonne cinquantaines d’organisations (syndicales, politiques, associatives, culturelles..) à dire « Non au non-lieu » et à réclamer justice et réparations.
Samedi 28 mai, au Lamentin, deuxième ville du pays, des milliers de manifestantEs reprendront le chemin de la rue et poursuivront par un ensemble de prises de parole, d’ateliers, de propositions pour la suite.
Et la remontée des chiffres du Covid-19 ne suffira pas à calmer l’indignation populaire.
Nous avons pour l’occasion interpellé l’ensemble du mouvement démocratique et social de France pour que, à cette échelle aussi, tout soit fait pour que à la date convenant au plus grand nombre une puissante mobilisation se fasse prenant en compte la gravité des enjeux de ce crime d’État, capitaliste et colonial.