Sur proposition du député de Guadeloupe Elie Califer (socialistes et apparentés), l’Assemblée nationale a voté le 29 février une loi reconnaissant la responsabilité de l’État français dans le scandale du chlordécone. La loi doit maintenant passer au Sénat. Ce vote est manifestement un pas en avant.
Jusque-là notre mobilisation sur le terrain ne pouvait prendre appui dans les institutions que sur trois éléments politiques : l’affirmation d’Emmanuel Macron de la « part de responsabilité de l’État » dans le scandale du chlordécone ; celle du tribunal administratif de Paris reconnaissant des « négligences fautives de l’État » dans le dossier du chlordécone ; les différentes informations accusatrices contenues dans le rapport officiel de la commission parlementaire présidée par Serge Letchimy, président du Conseil exécutif de Martinique.
Une loi importante
L’affirmation claire, dans la loi nouvellement votée, de la responsabilité de l’État dans les dommages causés par le chlordécone est un élément important. L’acharnement des macronistes à vouloir revenir à la formule de « la part de responsabilité » n’est évidemment pas anodine.
Tout aussi important est l’amendement proposé par Sandrine Rousseau (et voté par l’Assemblée) selon lequel 15 % des profits faits par les firmes ayant fabriqué les produits incriminés doivent servir à alimenter un fonds de réparations. Cet amendement reste certes à améliorer par une désignation expresse du chlordécone ainsi que par la prise en compte aussi des profits liés à sa commercialisation, voire à son utilisation par des planteurs en position dominante dans la profession. Il n’empêche que la loi votée porte enfin un regard sur les autres « parts » de responsabilité dans l’empoisonnement de nos pays.
Il est également positif que la loi votée aille plus loin que la proposition initiale aussi. En « érigeant comme priorité nationale la recherche scientifique », elle fait de la recherche sur « l’effet cocktail » des différentes molécules auxquelles nous avons été exposéEs une nécessité.
Claire volonté des députés antillais, appel au mouvement social de France
L’abstention des députés macronistes montre bien leur embarras devant les charges de députés antillais plutôt virulents. Olivier Servat, Jean-Philippe Nilor, Johnny Ajjar et Elie Califer n’y sont pas allés de main morte en montrant une claire volonté de se situer à la hauteur de la colère des peuples antillais, toujours choqués par le scandale judiciaire du non-lieu dans le dossier pénal prononcé le 5 janvier 2023, par la complexité des procédures pour l’indemnisation des ouvrierEs agricoles et par l’insuffisance criante des plans Chlordécone successifs (en dépit des ajouts faits au compte-gouttes par un gouvernement sous pression).
Le mouvement social aussi bien en Martinique qu’en Guadeloupe doit bien mesurer le sens de cet épisode parlementaire qui montre que le pouvoir est sur la défensive, que la mobilisation incessante empêche l’État d’enterrer le problème chlordécone. Il est évident que tous les aspects de ce combat sont liés. La loi votée fournit de nouveaux arguments pour le combat judiciaire, renforce les possibilités d’internationaliser le problème.
Les atermoiements de la macronie ne peuvent qu’alimenter notre détermination à obtenir la vérité, la justice, les réparations. Il faut espérer que la période de la navette parlementaire, qui commence avec ce vote, sera mise à profit par le mouvement ouvrier et démocratique de France pour une prise de position effective, agissante, dépassant le cadre feutré des « lambris de la République ».
Car cette question, au-delà de son caractère typiquement colonial, entre dans le cadre mondial de la lutte pour que la vie et la dignité humaine l’emportent sur les calculs égoïstes et criminels des lobbys des pesticides et du productivisme agricole.
Le Groupe Révolution Socialiste (GRS) de Martinique