Publié le Jeudi 2 janvier 2014 à 15h21.

Corée du Sud : solidarité avec les cheminots en lutte !

8 600 salariéEs de Korail (Korean Rail, la SNCF coréenne) se sont mis en grève reconductible à compter du 9 décembre, suite à l’annonce d’un plan de privatisation d’une nouvelle ligne de chemin de fer par la direction. Il s’agit de la plus longue grève de l’histoire de Korail.

Le syndicat des cheminots KRWU (Korean Railway Workers Union) s’oppose au projet car il marque la première marche vers la privatisation générale du rail en Corée. Cette mobilisation s’inscrit dans un contexte de crise politique grave du gouvernement de Park Geun-hye, dans le prolongement de sa présidentielle truquée de 2012, et pourrait déborder sur des revendications plus larges.

Contestation de la privatisation des chemins de fer et répression féroce du gouvernement

Cette fois-ci, la polémique autour de la privatisation de KTX (Korea Train Express, l’équivalent du TGV français) a mis le feu aux poudres contre les politiques du gouvernement actuel. Le patronat voulait tenir un conseil d’administration le 10 décembre 2013 pour établir une nouvelle filiale « indépendante » afin d’exploiter la nouvelle ligne de KTX en provenance de Suseo qui sera la plus rentable. Le syndicat KRWU, qui considère ce dispositif comme le prélude à la privatisation de Korail, s’est opposé à cette décision et a lancé l’appel à une grève illimitée le 9 décembre 2013.

La colère des Coréens explose

Les réactions du gouvernement et du patronat ont provoqué une colère générale des citoyens coréens. D’abord, la direction de Korail a prétendu que ce sujet n’était pas un objet de négociation entre le patronat et les syndicats car il ne traitait pas directement des conditions de travail. C’est pourquoi elle a déclaré illégale cette grève, puis elle a porté plainte contre 194 membres de la direction de KRWU et mis à pied les 8 600 travailleurs mobilisés en les menaçant de licenciement. La prise d’assaut et le saccage des locaux de KCTU par la police du 22 décembre 2013 ont déclenché dans la population à la fois une indignation et le soutien à la grève.

Une société par actions, 1ère étape de la privatisation

La direction de Korail prétend que la création d’une filiale pour exploiter la nouvelle ligne KTX de Suseo n’a rien à voir avec la privatisation, car l’investissement du capital privé n’y serait pas autorisé. Cependant, le point de vue de KRWU est différent. Vu que cette nouvelle filiale sera une société par actions (SA), elle serait la première étape pour la vente au secteur privé. En effet, d’après KRWU, le conseil d’administration pourra ultérieurement modifier les règlements de cette SA pour permettre la vente de ses actions aux actionnaires privés au bout de quelques années. Au bout du compte, ce qu’on peut constater à travers cette politique des dirigeants sud-coréens est un pas de plus vers la privatisation, car il s’agit toujours de la séparation en plusieurs secteurs tels que les transports, la maintenance, le service et bien d’autres.

Au-delà de l’indignation contre le régime « dictatorial »

Paradoxalement, la violence répressive des gouvernements dirigés par Lee Myung-bak et Park Geun-hye a indéniablement contribué à donner corps à la contestation populaire. À l’appel à la grève générale de KCTU du 28 décembre 2013, entre 20 000 (selon la police) et 100 000 manifestants (selon KCTU) sont descendus dans la rue. Suite à un ultimatum posé par Korail, 2 000 salariés ont repris le travail, essentiellement dans le service à bord et l’accueil en gare (seulement 4 % parmi les conducteurs).

Dans ce mouvement pour faire reculer le patronat et le gouvernement de Park Geun-hye, il est impératif de commencer dès maintenant à soulever les problèmes fondamentaux du système d’exploitation, afin de mener une lutte large et radicale des classes dominées. C’est d’autant plus indispensable que certaines organisations, comme le Parti démocrate, tentent de canaliser le mouvement uniquement vers l’exigence d’une nouvelle élection sans se battre réellement contre la privatisation.

En France, le syndicat SUD Rail a organisé un rassemblement le 27 décembre 2013 devant l’ambassade de Corée du Sud à Paris pour soutenir les cheminots coréens. Ce rassemblement de solidarité a réuni une cinquantaine de personnes, à la fois des cheminotEs et militantEs français et des CoréenEs. On peut souligner que des entreprises françaises tirent de gros profits de la marchandisation des transports publics. Ainsi, Alstom remporte des contrats juteux sur la fabrication des trains KTX en exportant sa technologie et son matériel. Veolia possède 80 % des actions de la ligne 9 du métro à Séoul. Il faut appeler les syndicats, et plus largement les organisations militantes en France à manifester leur solidarité à la lutte des travailleurEs sud-coréens, que ce soit par des communiqués ou des rassemblements.le 29 décembre 2013.

Ocep (ouvrière coréenne qui étudie à Paris)

Version longue de l’article : http://www.europe-solidaire.org/spip.php?article30731