Publié le Mercredi 13 janvier 2021 à 11h05.

Coup de filet d’ampleur à Hong Kong contre l’opposition politique

Une vaste rafle a eu lieu à Hong Kong le 6 janvier, mobilisant plus d’un millier de policierEs. Elle a touché 47 hommes et huit femmes, mêlant opposantEs de longue date et militantEs de la nouvelle génération.

Parmi les personnes arrêtées, 36 éluEs et ancienEs éluEs, appartenant à la plupart des courants de l’opposition politique, mais aussi des militantEs impliqués dans divers mouvements sociaux dont ceux contre les discriminations envers les immigréEs. Carol Ng, présidente de la confédération syndicale HKCTU, a été également arrêtée. Il en va de même pour deux syndicalistes du secteur de la santé dont Winnie Yu, la présidente du syndicat HAEA créé dans la foulée du mouvement de 2019. Celui-ci avait organisé, début février 2020, une grève reconductible historique de cinq jours ayant contraint le pouvoir de Hong Kong à prendre enfin quelques mesures pour faire face aux débuts de la pandémie de Covid-19.

Répression tous azimuts

Simultanément, la police a perquisitionné 72 locaux, et saisi du matériel dans quatre d’entre eux. Aucun des contre-pouvoirs démocratiques traditionnels n’a été épargné : des avocats et des groupes de presse ont été notamment ciblés, ainsi qu’un institut de sondage. L’accès à un site web opposé au pouvoir a été bloqué.

Comme cela ne suffisait visiblement pas aux autorités, elles ont arrêté le lendemain deux hommes supplémentaires dans la prison où ils étaient déjà détenus (!) pour d’autres chefs d’inculpation. Parmi eux le jeune Joshua Wong.

À l’heure où ces lignes sont écrites, 52 des personnes arrêtées les 6 et 7 janvier ont été libérées contre le paiement d’une caution d’environ 3 200 euros chacune, et trois autres sont toujours sous les verrous. Leurs passeports ont été saisis et tout le monde s’attend à ce qu’elles fassent l’objet de poursuites judiciaires. Une somme d’environ 170 000 euros, réunie par l’opposition pour financer sa campagne électorale, a été gelée par la police.

Par peur de la répression, diverses petites organisations ont décidé de se dissoudre. D’autres accélèrent la numérisation de leurs archives et déplacent leurs serveurs à l’étranger. Certaines détruisent les données personnelles de leurs bénévoles.

C’est la première rafle de grande ampleur réalisée en application de la Loi sur la sécurité nationale, rédigée à Pékin et promulguée à Hong Kong le 30 juin dernier. Cette loi liberticide donne aux autorités la possibilité d’arrêter et d’infliger des peines pouvant aller jusqu’à la prison à vie à toute personne déplaisant au pouvoir.

Le fossé continue de se creuser

Le « crime » des personnes arrêtées est d’avoir voulu utiliser leur droit constitutionnel de participer à la présentation de listes aux élections législatives. Il leur est reproché d’avoir organisé dans ce but des primaires de l’opposition, auxquelles plus de 610 000 personnes ont participé en juillet. Leur espoir était de remporter, pour la première fois, la majorité aux législatives initialement prévues le 6 septembre dernier. Au dernier moment, ce scrutin a été reporté d’un an par le pouvoir qui craignait une défaite, dans la foulée de la raclée mémorable qu’il avait prise le 24 novembre 2019 aux élections locales où l’opposition avait obtenu 85,8 % des sièges soumis au scrutin.

Vouloir utiliser le droit de se présenter aux élections est pour le pouvoir de Pékin et ses marionnettes hongkongaises synonyme de « subversion », de « terrorisme », de « collusion avec des forces ­étrangères », etc.

Tout cela en dit long sur leur conception de la démocratie, ainsi que leur refus de prendre en compte les exigences exprimées par la grande majorité des hongkongaisEs qui ont déferlé dans les rues pendant plus de la moitié de l’année 2019.

Il n’est pas étonnant dans ces conditions que le fossé ne cesse de se creuser entre la population et le pouvoir. C’est en particulier le cas au sein de la jeunesse. D’après une étude universitaire récente, 87 % des lycéenEs interrogés déclarent, par exemple, ne pas avoir confiance dans le gouvernement.

La population de Hong Kong n’a pas dit le dernier mot. Elle a plus que jamais besoin de notre solidarité.