Depuis l’apparition de l’épidémie de Covid-19, certains articles ou tribunes d’africanistes dénoncent les Cassandre qui prédisaient une catastrophe en Afrique et mettaient en avant parfois de manière un peu puérile « une capacité de résilience, d’adaptation et d’inventivité forte et éprouvée » en comparaison avec les autres continents, affirmant même que « l’épidémie stagne ou se résorbe » 1. À tort ou à raison ?Si l’Afrique ne représente que 3,4 % des cas et 1,7 % des décès dans le monde, selon les chiffres de fin juin 2020, l’optimisme doit être fortement nuancé. En effet, les données disponibles peuvent pour certains pays être sujettes à caution, soit pour des raisons politiques, soit par manque de moyens. L’exemple le plus caricatural est peut-être celui du Burundi. Son ancien président Nkurunziza jurait que son pays était protégé par « la grâce divine » avant qu’il ne décède lui-même du Covid-19, même si officiellement les autorités parlent de crise cardiaque. Le cas du Nigeria est également révélateur. Dans le nord du pays, des dizaines de foyers de « morts mystérieuses » ont été enregistrées. En fait, après enquête, la plupart étaient dues à l’épidémie du virus SARS-CoV-2 2.
L’épidémie s’accélère
Au Congo RDC, dans la région du Kivu, le docteur Denis Mukwege, prix Nobel de la paix pour son action en faveur des femmes victimes de violences sexuelles, vient de démissionner du « Comité de riposte à l’épidémie », dénonçant le manque de moyens. Les résultats du dépistage prennent au moins deux semaines, empêchant de prendre rapidement les mesures d’isolation sanitaire.
Si l’Afrique, comparée à d’autres continents, est moins touchée pour des raisons non encore explicitées scientifiquement, même si des hypothèses sont évoquées – comme la démographie, le climat, la rapidité des mesures prises – elle n’est pas pour autant épargnée. L’épidémie s’accélère : « Il a fallu 98 jours pour atteindre la barre des 100 000 cas et 18 jours seulement pour franchir celle des 200 000 », comme l’indique la Dr Matshidiso Moeti, pour l’OMS Afrique. Une épidémie qui commence à se propager dans les campagnes où l’offre de soin est largement défaillante.
Les pays les plus touchés sont l’Égypte, le Nigeria et l’Afrique du Sud, qui connait des tensions importantes dans les hôpitaux avec 160 000 cas. Dans des pays comme Madagascar, pourtant bien moins touché par l’épidémie, les personnels soignants ont menacé de se mettre en grève s’ils ne recevaient pas sous huitaine les équipements de protection individuelle 3.
Crise économique
Pour éviter un étranglement économique, les autorités ont été amenées à desserrer les règles du déconfinement en dépit d’une situation sanitaire préoccupante, ce qui pourrait expliquer ce regain important du nombre d’infections.
Ce qui est certain, c’est que les pays africains vont devoir faire face à une crise économique majeure avec une épidémie qui ne fait qu’accentuer le ralentissement économique que connaissait le continent depuis quelques années. Les pays africains paient l’extrême dépendance de leurs économies vis-à-vis des pays riches. En effet, les exportations massives de matières premières comme le pétrole mais aussi le platine, le caoutchouc, etc., faiblissent du fait de la crise et les importations deviennent plus onéreuses avec la déstructuration des chaînes de ravitaillement. Le poids de la dette augmente dans les budgets nationaux pour des pays comme le Soudan, le Mozambique ou le Congo-Brazzaville. À ce tableau s’ajoute, selon les estimations de la Banque mondiale, la baisse à 20 % des sommes que les travailleurs immigrés envoient à leur famille. La souffrance risque de s’amplifier en l’absence d’amortisseurs sociaux.1 – Laurent Vidal, Fred Eboko et David Williamson, « Le catastrophisme annoncé, reflet de notre vision de l’Afrique », lemonde.fr, 8 mai 2020.2 – Astrid Saint Auguste, « Revue de presse Afrique : une surmortalité due au Covid-19 à Kano, Nigeria », sciencesetavenir.fr, 19 mai 2020.3 – Fano Rasolo, « Ultimatum des agents de la santé au gouvernement », www.madagascar-tribune.c…, 4 juillet 2020.