L’Allemagne a été relativement épargnée par la « première vague » du Covid. Les hôpitaux, certes dégradés par les logiques de réduction de coûts, n’ont presque jamais été débordés, avec comme résultat presque cinq fois moins de morts qu’en France.
Si des mesures de confinement, de fermeture de lieux publics et de restriction des déplacements ont été mises en place, un confinement « total » n’a pas été décrété. Au niveau économique, dans un premier temps, le recours massif au chômage partiel, comme lors de la crise de 2008, a atténué l’impact de la crise sur la situation matérielle des travailleurEs.
La situation sanitaire empire
Mais comme partout, la situation sanitaire se dégrade à nouveau depuis fin août, sans qu’aucune mesure n’ait été prise pour y parer. Notamment en termes d’embauches dans la santé, puisque si le nombre de lits s’est avéré relativement suffisant au printemps, le personnel manque partout, en lien avec les conditions de travail et de bas salaires. Le 15 octobre, un nombre record de 6 638 cas était enregistré, en reprise rapide.
Après s’être longtemps contentés d’en appeler à la responsabilité individuelle et… d’augmenter les amendes, les gouvernements régionaux ont dû renforcer les mesures : restriction des déplacements à partir de zones à risque ; couvre-feu nocturne dans certaines villes, dont Berlin. Le gouvernement fédéral se réserve la possibilité d’un confinement si, d’ici dix jours, ces mesures ne font pas baisser la circulation du virus.
Répercussions sur l’emploi
Lors de la « première vague », jusqu’à 6 millions de travailleurEs ont bénéficié du chômage partiel. Si cela impliquait des baisses de salaire pour beaucoup, et si la grogne face aux boites richissimes laissant les contribuables payer les salaires était bien réelle, de nombreux salariéEs ont ainsi échappé au pire. Dans l’immédiat. Car le patronat allemand s’attelle désormais à mener à bien ses projets de « restructuration », datant bien souvent d’avant le Covid. Depuis septembre, les annonces de licenciements pleuvent.
En tout, 300 000 emplois seraient menacés. 2 000 suppressions de postes chez le sous-traitant automobile Mahle, 11 000 en Allemagne et en Autriche chez MAN (véhicules industriels), 13 000 chez Continental, 27 000 chez Lufthansa et Airbus… Chez Mercedes à Untertürkheim, 4 400 salariéEs sont menacés sur un seul site ! Un jour après l’annonce, la boite se réjouissait d’avoir renoué depuis juillet avec sa marge opérationnelle, et prévoyait un rebond du marché et de ses bénéfices d’ici la fin de l’année… La colère des salariéEs est d’autant plus grande qu’ils sont conscients qu’il s’agit d’attaques pour lesquelles le Covid n’est qu’un prétexte.
De premières actions, des réunions agitées et des réactions à chaud témoignent de la colère. Mais le syndicat de la métallurgie IG Metall ne propose pour le moment que des négociations où quelques licenciements en moins seront payés – cher – par des baisses de salaires et des augmentations du temps de travail. Ou ils proposent des « plans alternatifs » pour la transition écologique, avec des fonds financés par les cotisations des syndiqués… Mais comme plan de bagarre, rien !
Au printemps, ce même syndicat avait accepté de renoncer à des augmentations de salaires, contre des promesses de maintien de l’emploi…
La colère des « héros »
De son côté, la fédération syndicale Ver.di des services semble davantage sous pression de sa base. Les négociations de branche engagées, qui concernent 2,3 millions de salariéEs dans les transports, les hôpitaux, les crèches, et autres, sont accompagnées d’une série d’actions et de débrayages appelées par l’appareil syndical. Avec une participation sortant de l’ordinaire. La campagne médiatique contre « l’irresponsabilité » d’une grève en pleine pandémie qui prendrait d’autres en « otages », peine à prendre dans la population.
Au mois d’août, des « manifs corona » avaient défrayé la chronique, à l’initiative de complotistes notoires et de diverses sphères d’extrême droite. Le 29 août, certains avaient paradé sur les marches du Reichstag et réussi, surtout avec un discours antimasque, à capitaliser la colère. La remontée du virus a rendu ces démagogues moins convaincants mais ils n’ont certainement pas dit leur dernier mot.
Comme ailleurs, la population est moins prête qu’au printemps à se plier à un confinement qui interdirait toutes les activités, ou presque, sauf le travail.