Les élections législatives égyptiennes ne sont qu’une mascarade de plus organisée par la dictature de Moubarak et passée sous silence par la communauté internationale.Le Parti national démocrate d’Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 1981, vient sans surprise de remporter les élections législatives, raflant 209 des 221 sièges à pourvoir, avec un taux de participation oscillant entre 15 et 17 %. Entaché d’une fraude électorale dénoncée par tous les observateurs présents, ce scrutin marque l’écrasement total de l’opposition parlementaire. La campagne électorale a été marquée par un harcèlement sans relâche des quelques formations politiques qui osent encore, non pas défier la dictature, mais simplement participer au jeu électoral qualifié de « mascarade grotesque » par les porte-parole des Frères musulmans dont plus de 1 000 sont emprisonnés. Cette formation qui possédait un cinquième des sièges de l’ancienne assemblée, écrasée dès le premier tour, a décidé de ne pas se présenter au second, et ne compte désormais plus aucun représentant. La gauche, regroupée au sein de la formation Tagammou, dénonce les « pires élections jamais organisées en Égypte », les « fraudes massives », les achats de voix et des exactions en tous genres. Au premier tour, le 26 novembre, seize personnes ont été tuées et une centaine ont été blessées par la police. Les représentants des USA, alliés fidèles du pouvoir en place, sont obligés de faire part de leur « déception » devant l’évidence des entraves aux droits de l’homme commises par la dictature qu’ils protègent depuis 29 ans. Certains opposants au régime sont obligés de quitter le pays, notamment ceux de la coalition démocratique Kefaya. Les studios de la BBC et d’Al Jazeera ont récemment été fermés par la police politique, et le rédacteur en chef du journal Al Doustour vient d’être licencié pour non-allégeance au pouvoir. Cette répression tous azimuts s’inscrit dans un contexte national et international calamiteux. Depuis les grandes manifestations de mars-avril 2008, dont certaines tournèrent à des émeutes contre le régime, la situation sociale de l’Égypte n’a fait que se dégrader. On y compte plus de 18 millions d’habitants sur 83 millions, vivant bien en dessous du seuil de pauvreté. Les services publics sont en pleine déliquescence, notamment le système d’éducation incapable de répondre aux besoins d’une population jeune qui dont la moitié a moins de 25 ans. La question religieuse, du respect des droits pour les chrétiens coptes comme pour les musulmans, peut en permanence se réinviter dans l’actualité, comme ce fut le cas récemment lorsque l’assassinat par la police d’un manifestant chrétien a tourné à l’émeute. Au plan international, l’Égypte est perçue comme une puissance déclinante, sévèrement jugée par les populations de la région pour sa collaboration sans faille avec Israël et les USA. Âgé de 82 ans, le dictateur Moubarak se présentera-t-il aux présidentielles de 2011 ou préférera-t-il en bon oligarque que son fils lui succède ? Le tout-puissant chef de la sécurité Omar Suleiman entend lui aussi prétendre à la succession. L’opposition, quant à elle, aura les plus grandes difficultés à se remettre à temps de la défaite qu’elle vient de subir pour pouvoir compter dans cette échéance. Ce ne sont de toute façon pas de ces élections mafieuses que viendront les réponses permettant à l’Égypte et aux peuples du Proche-Orient de régler les problèmes fondamentaux que sont le partage des richesses, la levée de l’État d’urgence et la fin de la dictature, la levée du blocus de Gaza et le règlement de la question palestinienne. Alain Pojolat