Une campagne internationale appelle à la solidarité avec les prisonniers politiques égyptiens. En effet, la répression est féroce à l’encontre de tous les opposants : opposants politiques Frères ou laïcs, membres d’ONG de défense des droits humains, journalistes, civils...
Personne n’est à l’abri d’une arrestation arbitraire, de tortures, de procès iniques. Les magistrats sont aux ordres d’un pouvoir tyrannique qui ne tolère aucune voix dissidente au nom de la lutte contre le terrorisme, ce qui est toujours bien vu par les donateurs occidentaux ou des pays du Golfe. Un rapport de la FIDH dénonce les violences sexuelles utilisées par les forces de l’ordre à l’encontre des personnes arrêtées. Depuis 2013, arrivée de Sissi au pouvoir, le bilan est très lourd : 2 600 morts, 17 000 blessés, 16 000 arrestations, 1 500 condamnations à mort dont celle de Morsi tout récemment. Les prisonniers politiques sont aujourd’hui plus de 40 000. Depuis avril 2015, le mouvement « Liberté pour les braves » a recensé 163 disparitions de démocrates, la plupart de gauche, dont 66 restent à ce jour introuvables.
Il y a l’abcès du Sinaï, la seule région que le pouvoir n’arrive pas vraiment à contrôler. Malgré tous ses efforts, il n’est pas venu à bout du groupe Ansar Beit El Makdess qui a fait allégeance à Daech. De janvier à mai, 643 personnes ont été tuées. Chaque jour, on y parle d’attaques terroristes, et certaines estimations sérieuses mais peu répercutées font état de 10 à 12 000 hommes armés dont les motivations ne sont pas toutes politiques.
Économie en berne
La situation économique est catastrophique, et Sissi ne cesse d’annoncer des projets gigantesques : le doublement du Canal de Suez (inauguration prévue le 6 août prochain), l’implantation d’une nouvelle capitale pour désengorger Le Caire (mais on n’en entend plus parler) et dernière invention, la reconstruction du Phare d’Alexandrie pour stimuler le tourisme, ce qui est plus que problématique avec les dernières attaques terroristes à Louxor et Guizeh.
Pendant ce temps, la population souffre : augmentation vertigineuse des prix, particulièrement avec le Ramadan, pénurie des bouteilles de gaz (alors que le pays est producteur), problèmes d’alimentation en eau. La situation est tellement dure à supporter que la survie quotidienne prime sur le politique. Rien à faire de la répression, tant mieux si les islamistes sont condamnés, et le lavage de cerveau organisé par des médias aux ordres fonctionne à plein : ce sont des agents de l’étranger, des complices d’Israël, ils veulent détruire le pays... Seuls les milieux d’affaires commencent à s’agiter : ils veulent retrouver leurs places privilégiées au niveau politique, des places de députés, mais jusqu’à présent aucune nouvelle des élections qui étaient prévues en mars avril.
Le pays est tellement dépendant de l’aide financière de ses puissants voisins arabes qu’il a du mal à affirmer une politique étrangère autonome. Traumatisée par le souvenir de la guerre du Yémen (1962-1970) qui a fait 26 000 morts égyptiens, l’Égypte n’a pas pu se dérober à l’injonction de l’Arabie saoudite mais a minima, et pèse pour des négociations avec la rébellion chiite, sans succès. Dans un domaine beaucoup plus crucial pour la survie même du pays, la question du partage des eaux du Nil, Sissi a été obligé de conclure un compromis qui acte de fait le stockage par le barrage éthiopien de 12 milliards de mètres cubes chaque année, cela au détriment de l’Égypte. La population égyptienne s’accroissant de 2 millions chaque année, on ne peut qu’être inquiet pour l’avenir.
D’Alexandrie, Hoda Ahmed