Les élections législatives en Allemagne prévues le 26 septembre décideront du prochain gouvernement, donc du nouveau chancelier. Un « changement d’ère » après 16 ans de règne incontesté d’Angela Merkel. De quoi mobiliser les foules ? Pas tant que ça…
La campagne n’intéresse pas grand monde. Une fois n’est pas coutume en Allemagne, c’est l’actualité sociale qui a éclipsé la campagne électorale, notamment avec une grève importante des cheminotEs et des luttes dans les hôpitaux.
Une campagne politique usée
Depuis le début, la campagne a pour seul thème la capacité des principaux candidats à chausser les pantoufles de la grande Merkel. Pas un mot sur les hôpitaux, quelques bribes sur le chômage et l’écologie… Et des petits scandales presque comiques.
Annalena Baerbock, la candidate écolo, était en tête dans les sondages en mars, plébiscitée par des industriels ralliés à la transition écologique (et aux subventions qui vont avec). Six mois plus tard, après la révélation de quelques lignes enjolivées sur son CV et des accusations de plagiat, les Verts plafonnent à la troisième place. Ils se sont ridiculisés en se privant de listes dans la Hesse, à la suite d’une erreur de procédure. Même les inondations meurtrières en juillet n’ont pas renversé la dynamique, alors qu’elles ont brutalement remis sur le devant de la scène les conséquences du dérèglement climatique et de l’urbanisation incontrôlée.
Un autre des trois « grands » candidats a pâti de cette catastrophe : Armin Laschet, successeur désigné de Merkel par le parti conservateur (CDU) et Premier ministre de la Rhénanie du Nord-Westphalie, l’une des régions les plus touchées. Sa gestion a été largement critiquée et il s’est grillé en se faisant filmer en train de pianoter sur son portable et de rigoler lors d’une commémoration pour les victimes. À tel point que c’est maintenant Olaf Scholz – du SPD – qui pointe en tête. Vice-chancelier de Merkel (qu’il se plaît à mimer – le ridicule ne tue pas !), son succès principal est d’avoir évité ce genre de gaffe. Ambiance...
À l’issue du vote, il faudra probablement jouer au jeu de la coalition multicolore : une nouvelle « grande coalition » gouvernementale (SPD/CDU) ? Ou « rouge-rouge-verte » (parti de gauche, sociaux-démocrates et écolos) ? Ou verte-noire (écolos-conservateurs) ? Ou en « feu tricolore » rouge-jaune-vert (écolo, sociaux-démocrates, libéraux) ? Les pronostics vont bon train et toutes les couleurs de l’arc-en-ciel y passent, qui ont du mal à faire oublier le gris terne de cette campagne.
Une campagne sociale plus colorée
Heureusement, l’actualité médiatique a été bousculée par plus encourageant ! Depuis juillet, des grèves à répétition paralysent les trains allemands. Sur fond de rivalités entre syndicats et d’attaques contre la pluralité syndicale qui autorise à des surenchères, le syndicat minoritaire GDL a appelé deux fois à deux jours, puis à six jours de grève très suivis.
Les revendications de la direction syndicale sont timides : une prime covid revue à la baisse et des augmentations de salaires qui compensent à peine l’inflation. Mais la détermination des grévistes est forte. Ils se battent surtout pour des conditions de travail meilleures et le maintien de leur retraite complémentaire. Alors qu’ils ont travaillé pendant toute la pandémie, la Deutsch Bahn ne prévoit rien pour eux… tandis qu’elle augmente grassement ses dirigeants ! Il est probable que de nouvelles grèves soient annoncées dans les jours à venir.
En parallèle, de nombreuses manifestations dynamiques ont rassemblé des soignantEs à Berlin, pour des embauches et une convention collective commune à tous. Une grève a été d’abord interdite par la justice, mais un nouvel appel à la grève illimitée a été lancé depuis quelques jours sur les deux plus grands ensembles hospitaliers (Vivantes et la Charité). Et le jeudi 10 septembre, c’était une journée de grève des travailleurEs du commerce, ainsi que des mobilisations contre la hausse des loyers à Berlin et des manifestations importantes contre une nouvelle loi sécuritaire dans la région de la Ruhr.
Le dirigeant de la GDL, Claus Weselsky, lui-même membre de la CDU, insinue qu’il faudrait voter écolo pour développer les chemins de fer… mais à la base, on n’attend pas vraiment de « sauveur suprême », quel qu’il soit. Et pour cause : à Berlin, c’est une coalition gouvernementale regroupant sociaux-démocrates, écolos et gauche dite radicale qui interdit actuellement les grèves aux hospitalierEs et démantèle l’hôpital public.
Interrogé sur Marx quelques mois avant la grève des cheminotEs, ce Weselsky disait : « Ça fait très lutte de classe ça, on n’fait pas ça ici ». Ben si, ça s’fait…