Les élections législatives du dimanche 26 septembre devaient décider de la relève à Angela Merkel, qui a occupé durant seize ans le poste de chancelière.
Les électeurEs ont répondu à l’appel, avec un taux record de participation de 76,6 %, mais leur vote est pourtant non concluant puisque ce sont les états-majors des partis qui maintenant, pendant des semaines (la fois précédente, six mois), vont discuter, marchander, manigancer voire comploter, en bilatérales et multilatérales, pour trouver la bonne « coalition » ou « compromis » — Ô Pardon le bon « contrat » de gouvernement, et son bon chancelier ou chancelière ! Le tout consigné dans un document de deux cent pages ou plus, que le Parlement n’aura plus qu’à entériner. Le bon peuple vote, les notables s’acoquinent et tranchent. Et ce n’est pas automatiquement le parti arrivé en tête qui décroche le poste de chancelier (ça s’est passé déjà trois fois autrement), c’est le conclave – dit démocratique, évidemment.
Tout est donc possible…
Les grands partis traditionnels de la vie politique allemande, SPD (sociaux-démocrates) et CDU-CSU (conservateurs de droite), qui ont gouverné ensemble dans une « grande coalition » sous Merkel et dont l’audience ne cesse de reculer, n’ont pas connu l’effondrement électoral dont des élections antérieures avaient montré des signes. Le SPD de Olaf Scholz, avec près de 26% des voix, gagne plus de 5 points sur les législatives antérieures. La CDU-CSU d’Armin Laschet, avec 24%, perd près de 9 points. Mais ni l’un ni l’autre n’ont plus depuis longtemps de majorité ou minorité décisive. La course est donc engagée par Scholz (SPD) comme par Laschet (CSU) pour trouver l’un et l’autre des compères… S’ils ne veulent plus continuer ensemble, l’un ou l’autre se doit, pour trouver une majorité de gouvernement, de « gagner » à la fois les Verts (die Grünen), qui ont recueilli 15% des voix (une augmentation de près de 6 points), et le FDP (un parti libéral), qui plafonne à quelque 12%. La chasse est donc ouverte. Et si Die Linke (ou parti de gauche) avait pu espérer faire partie d’une coalition gouvernementale avec le SPD et les Verts, son score de 4, 9% (moins 4 points) qui le place sous la barre fatidique des 5%, l’exclut de toute possibilité1. Tandis que l’AfD (extrême droite), avec 10,3% des voix (moins 2 points) est de toute façon maintenue au ban des partis qui se disent démocratiques.
Donc qui, du SPD ou de la CDU, peut prendre la tête d’une coalition avec les Verts et le FDP ? Le fait que tout, ou presque, soit possible (même si un « plus » est donné par les médias à une éventuelle coalition entre SPD, Verts et FDP) en dit long sur la proximité et l’interchangeabilité des politiques respectives… contre les classes populaires.
Car tous les possibles se ressemblent !
Le social-démocrate Olaf Scholz, grand argentier (ministre des Finances) d’Angela Merkel et présenté comme son bras droit, s’était également illustré dans le passé, en tant que secrétaire général du SPD, par son soutien total à la politique anti-ouvrière de Gerhard Schröder, en particulier ses « lois Hartz » contre les chômeurEs. Les Verts (un vieux parti déjà, membre de bien des coalitions passées, entre autres avec Schröder) n’excluent pas aujourd’hui de gouverner à l’échelle nationale avec la CDU… ce qu’ils font déjà dans le Land de Hesse, tandis qu’à la tête du Land de Bade-Wurtemberg et de sa capitale Stuttgart, ils sont les meilleurs amis du patronat de l’automobile. Le FDP, réputé proche des milieux d’affaires, serait cette fois prêt à des concessions pour quelques postes ministériels, y compris dans une coalition avec le SPD et les Verts. Tout va donc se négocier, s’arranger entre bons défenseurs d’un capitalisme qui est aujourd’hui le premier partenaire commercial de la Chine, négocie son gaz avec la Russie et compte, d’un côté, 123 milliardaires en euros et, de l’autre, près de quatre millions de chômeurEs.
Bref, les commentateurs bourgeois eux-mêmes le soulignent, aucun changement radical de politique n’est à attendre d’une coalition à venir, quelle qu’elle soit… Le système est fait pour.
Reste que le climat social se réchauffe, que des grèves ont lieu dans les transports, la santé et les services publics, quelque peu inhabituelles, la gestion capitaliste du covid ayant dépassé les bornes, en Allemagne comme partout.
- 1. S’il est difficile à ce stade d’expliquer la chute de Die Linke, il est probable que ce parti (qui a continué à afficher des idéaux de « justice sociale ») paie sa politique réelle, tangible, dans des gouvernements régionaux, en particulier à Berlin, de privatisation et casse des services publics.