Les grandes manœuvres se poursuivent du côté de la Françafrique, quelques jours avant la réunion du « G5 Sahel ».
Entre le 2 et le 20 janvier, dans le cadre de l’opération « Éclipse », les troupes françaises, épaulées de soldats du Burkina Faso, du Niger et du Mali, guerroyaient aux frontières entre ces trois pays. Le 18 janvier, Macron recevait à Paris Idriss Déby, ancien chef militaire rebelle du Tchad devenu depuis 1990 président du pays et ami de la France. Le 27, était reçu à son tour Bah N’Daw, président du Mali nommé par les officiers ayant renversé il y a quelques mois le président en place. Macron et son gouvernement ont fait quelques remontrances aux putschistes, imposé quelques sanctions économiques dont a pâti la population, mais la réconciliation est là, avec ce rendez-vous fixé à N’Djamena au Tchad les 15 et 16 février prochains pour un sommet du G5. Il s’agit d’une alliance militaire regroupant Tchad, Mali, Niger, Burkina Faso et Mauritanie, sous l’égide de la France.
L’armée française ensablée au Sahel
Les organisateurs de la conférence affichent le tableau de chasse de Éclipse : 100 djihadistes abattus. Moins de publicité est faite aux « morts pour la France », ces militaires que Macron enterre en grande pompe, morts pour les profits de Bolloré, Bouygues et Total. Et moins encore aux victimes de l’armée française, comme les participantEs à un mariage au Mali, bombardés « par erreur » au début janvier.
Si Macron rêve de pouvoir sous-traiter à des troupes africaines une partie des opérations de l’armée française au Sahel, c’est que celle-ci est de plus en plus honnie des populations. Les manifestations demandant son départ se multiplient. Les gouvernants français annoncent un retrait militaire depuis l’intervention au Mali en 2013, sous Hollande (opérations Serval puis Barkhane). Mais comme les États-Unis en Afghanistan, la France s’incruste et s’ensable au Sahel, et se rend directement et indirectement coupable de terribles exactions et massacres.
Mécontentements populaires
Au Mali, en renversant en août dernier le président chéri de la France, Ibrahim Boubakar Keita (IBK), les militaires espéraient surtout prendre les devants du mécontentement social, exprimé depuis la fin 2019 et le début 2020 par des grèves et des manifestations de rue. Le démagogue islamiste Dicko qui a surfé sur les manifestations du printemps dernier, comme les leaders de l’opposition « démocratique » à IBK se sont vite accommodés du pouvoir des putschistes – tandis que la population pauvre déchantait. En témoignent les nouvelles manifestations contre la présence de l’armée française (encore le 10 janvier dernier). En témoignent surtout les grèves de décembre 2020 dans le secteur public contre le non paiement de primes et les bas salaires, ou dans les mines d’or contre les bas salaires et les conditions de travail très dures. Des grèves que n’a pas intimidées la déclaration du président Bah N’Daw : « Avec l’état actuel du Mali, comment quelqu’un qui jouit de toutes ses facultés mentales peut parler de grève, a fortiori, partir en grève ».
Au Tchad, en tête des manifestations de ces derniers jours contre l’annonce d’un sixième mandat présidentiel pour Déby, s’impose aussi un politicien aux dents longues, chef d’un parti des « Transformateurs », ancien cadre de la Banque africaine de développement. Mais c’est surtout la colère sociale qui s’exprime dans la rue. Des grèves ont repris ce mois-ci dans le secteur public et menacent certaines entreprises privées comme l’entreprise CotonTchad SN, vendue par l’État à un trust singapourien.
Avec ce prochain G5, le rôle de gendarme de la France dans cette partie de l’Afrique, pour le compte de multinationales de divers horizons, n’est pas mort. En face, le vent de la révolte reprend ses tours.