Publié le Mardi 8 décembre 2020 à 15h36.

En Grèce, un geste policier comme une seconde mort pour Alexis Grigoropoulos

Douze ans déjà que le jeune Alexis Grigoropoulos a été tué à 15 ans par un policier dans le quartier d’Exarcheia au centre d’Athènes. Ce meurtre commis dans le cadre d’une politique de « sécurité globale » d’un quartier connu pour ses mobilisations et sa vie associative, et plus encore d’une volonté de mettre au pas la jeunesse, déboucha alors sur plus de 2 semaines de révoltes massives dans tout le pays, rendues plus fortes encore par la colère accumulée : chaque jeune aurait pu être à la place d’Alexis. Depuis, chaque 6 décembre, un hommage militant est rendu à Alexis, avec forte participation de la jeunesse.

Mais cette année, après l’intolérable interdiction des manifestations d’hommage aux étudiant-e-s de l’Ecole Polytechnique tués par la junte militaire le 17 novembre 1973, le gouvernement de Mitsotakis a récidivé : interdiction de rassemblements de plus de 3 personnes et bouclage du quartier. A vrai dire, on s’y attendait : après avoir réprimé aussi les rassemblements syndicaux lors de la grève nationale du 26 novembre, ce gouvernement de gosses de riches héritiers de leurs parents politiciens professionnels a très clairement choisi la fuite en avant répressive pour empêcher toute expression démocratique de la colère populaire qui grossit devant ses refus d’accorder les moyens indispensables à l’hôpital public, à l’Education, aux travailleurs/euses et aux jeunes.

Police haineuse

Face à l’interdiction de manifester commise par le Darmanin grec, Chryssochoïdis, venu lui du Pasok, diverses organisations, associations et personnalités connues (artistes, avocats, syndicalistes…) ont annoncé leur volonté de venir rendre hommage comme chaque année devant la plaque rappelant le meurtre perpétré par les deux policiers. Dans un très beau texte, l’ancien principal du collège d’Alexis dénonçait les mesures du ministre de la police : vous voulez nous empêcher d’aller rendre hommage « non pas pour nous protéger du virus, mais parce que vous avez peur. Vous avez peur du 6 décembre et vous voulez le faire disparaître du calendrier » … C’est d’ailleurs à cette fin que le tribunal de Lamia a fait relâcher l’an passé le policier assassin (décision contestée en justice), la circonstance atténuante évoquée étant … qu’il est policier ! Quoi qu’il en soit, face à cette résolution populaire, le pouvoir a déployé les grands moyens : pour empêcher d’arriver devant la plaque, 4 000 policiers ont bouclé le quartier, 24 stations de métro ont été fermées … et cela pendant que les hôpitaux du pays manquent mortellement de personnel, les vacataires ayant même été renvoyés en fin de « contrat » !… Et comme le 17 novembre, la violence policière s’est déchainée, même contre les journalistes et photographes : pendant que 3 nazis d’Aube Dorée restent libres comme l’air, 110 manifestant-e-s ont été arrêtés, militant-e-s politiques ou syndicaux, et même 2 avocats des victimes des nazis ! Une nouvelle fois, les manifestant-e-s arrêtés ont été entassés dans les cars de la police sans aucune précaution sanitaire, prouvant une nouvelle fois que le seul danger sanitaire des manifs, ce sont bien les flics ! L’ancien principal du collège, venu tôt le matin avec sa femme pour déposer des grenades (les fruits, symbole du lien entre vie et mort!) s’est fait bloquer par les casqués. Dans les banlieues et dans pas mal de villes, des rassemblements se sont tenus, avec une répression très violente en Crète.

Et surtout, l’image que toute la jeunesse et la gauche vont garder en mémoire, c’est ce policier s’emparant d’un bouquet déposé par une femme près de la plaque pour Alexis et l’agitant en tout sens avant de le jeter haineusement à terre, traduisant à sa manière le respect pour les victimes de la répression bourgeoise, qu’elles soient mortes ou vivantes. Manque de chance pour lui, la scène a été filmée… Résultat classique, une enquête a été ouverte… mais il y a peu de risques qu’on oublie la scène, comme on n’oublie pas la scène du 1er ministre interdisant les manifs mais allant faire du vélo la semaine dernière à 30 km d’Athènes et osant se faire photographier main dans la main avec des motards ne portant pas de masques. Le mépris de classe est total… et il n’y a donc aucun instant à perdre pour rendre la pareille à cette droite extrême et tellement dangereuse pour les libertés démocratiques et les droits sociaux ! Comme le souligne Thanassis Kambagiannis, l’un des deux avocats antifascistes arrêtés (l’Association des avocats d’Athènes a fermement condamné cet acte illégal du pouvoir), nous nous trouvons dans une zone d’obscurantisme quant à la manière dont le pouvoir considère les défenseurs des droits, et cela est un bon indice de la culture juridique dans chaque pays… Les mobilisations pour la défense des droits existants (restants…) et l’extension des droits démocratiques et sociaux doivent au plus vite s’élargir, en imposant le cadre unitaire indispensable !

Athènes, le 8 décembre 2020