Publié le Mercredi 10 mars 2021 à 08h45.

En Inde, la colère gronde contre Modi

En Inde, les mobilisations paysannes ne faiblissent pas. Luttant contre la libéralisation du secteur agricole et les atteintes du gouvernement Modi au droit du travail, agriculteurEs et ouvrierEs agricoles unissent leurs forces.

Le 23 février, un tribunal indien a accordé la liberté sous caution à la militante pour le climat Disha Ravi, 22 ans, une des fondatrices de Fridays for Future en Inde. Dix jours auparavant, elle avait été arrêtée pour son rôle présumé dans la création d’un document en ligne, destiné à amplifier les protestations des agriculteurEs. Ce document fait partie d’une enquête policière sur la prise d’assaut du complexe historique Red Fort de New Delhi par un groupe d’agriculteurs, le 26 janvier. Il s’agit de l’un des rares incidents violents des manifestations en cours, qui avaient toujours été pacifiques. 

Les dirigeantEs agricoles ont condamné cette action qui a été, selon eux, menée par des agents provocateurs liés au parti au pouvoir.  En réponse, le gouvernement a coupé les services internet, d’eau courante et d’électricité dans la zone des mobilisations. De plus, la police a érigé des barricades en béton, déployé du fil barbelé et martelé de longs pics métalliques sur les routes à Singhu et sur d’autres sites de protestation clés aux frontières du Delhi, afin de restreindre la mobilité. L’enquête sur ces violences se poursuit dans le cadre des lois antiterroristes, très strictes et souvent mal utilisées.

Répression brutale

Le 22 février, plus de 100 000 agriculteurEs et ouvrierEs agricoles ont participé au rassemblement du Mazdoor Kisan Ekta (Grande unité des travailleurs et paysans). Il s’est tenu dans le plus grand marché de céréales alimentaires de Barnala, au Pendjab, pour protester contre les lois agricoles et pour renforcer la solidarité entre ouvrierEs et agriculteurEs. Ils et elles y ont également lancé un appel à la libération des militantEs syndicaux Nodeep Kaur, 24 ans, et Shiv Kumar, 25 ans, emprisonnés et torturés depuis le 12 janvier pour avoir mobilisé les travailleurEs. 

La police les a arrêtés pour extorsion et tentative de meurtre en représailles d’une manifestation que Kaur et ses collègues de la Mazdoor Adhikar Sangathan (Organisation des droits des travailleurs) ont organisé devant une usine dans la zone industrielle de Kundli, près de Singhu, pour réclamer des salaires impayés. Si Nodeep Kaur a été libérée sous caution le 26 février, son camarade Shiv Kumar est dans l’attente d’une audience, prévue le 16 mars.

Des travailleurEs unis

En décembre, le syndicat avait mobilisé 2 000 travailleurEs pour une journée de grève en solidarité avec les agriculteursEs, tout en soulevant des questions sur le paiement de leurs salaires. Le mouvement a ainsi réussi à établir des solidarités plus larges entre une partie des travailleurEs et des agriculteurEs. Les travailleurEs, comme les agriculteurEs, s’inquiètent de la fermeture éventuelle des marchés publics. Ils servent de centres de distribution aux agriculteurEs où un prix de soutien minimum est garanti. De nombreuses et nombreux travailleurEs y trouvent un emploi comme porteurEs et emballeurEs pendant la saison des récoltes. 

Les modifications apportées à la loi sur les produits essentiels sont une autre préoccupation. Elles exemptent les céréales, les légumineuses, les oléagineux, les pommes de terre, les oignons et les huiles comestibles des restrictions en matière de stockage, ce qui, selon certains, pourrait conduire les entreprises à accaparer ces biens. Cela entraînerait une hausse des prix et rendrait la nourriture inaccessible aux pauvres. 

De plus, 250 agriculteurEs ont perdu la vie depuis le début des mobilisations le 26 novembre. Le gouvernement actuel reste obstinément opposé à l’abrogation de ces lois, car elles sont intrinsèquement liées à un programme agro-industriel mondial plus vaste. 

Les dirigeantEs agricoles ont appelé les agriculteurEs du pays à être prêts à marcher avec leurs tracteurs jusqu’à Delhi pour encercler le parlement lorsque le moment sera venu.

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Article publié dans le n°384 de solidaritéS (Suisse).