Le 31 octobre, le Temps publiait un article faisant état de nombreux cas de harcèlement sexuel au sein de la Radio-Télévision Suisse (RTS). Ces révélations font l’effet d’une bombe, tant par la gravité des actes rapportés que par leur nombre et la durée sur laquelle ils se sont produits.
Trois collaborateurs sont pointés du doigt, dont Darius Rochebin, présentateur star de la chaîne pendant plus de 20 ans, jusqu’à son départ pour la chaîne française LCI à la rentrée 2020. On prend connaissance de nombreux cas de harcèlement et agressions sexuelles, parfois dénoncés à la hiérarchie, sans effet.
Culture du silence et de l’impunité
Les journalistes évoquent le cas de « Robert », dénoncé à la hiérarchie pour mobbing [harcèlement moral collectif] et harcèlement sexuel au milieu des années 2010 et promu dans un « placard doré ». De nombreux et nombreuses employéEs témoignent du manque de réactivité des supérieurs face à des plaintes pour agressions ou harcèlement. Ils et elles dénoncent une forme de culture du silence et de l’impunité. Les victimes sont invitées à se taire et les agresseurs prospèrent.
La publication de l’article entraîne des réactions fortes sur les réseaux sociaux et dans la presse. Rapidement, le collectif de la grève féministe interne à la RTS s’organise pour exiger de la direction des mesures conséquentes. Les employéEs sont soutenus par différents collectifs locaux de la grève, qui publient le jour même un communiqué de presse de soutien et un appel à briser le silence avec le hashtag #BalancetaRTS.
Les jours qui suivent, des actions de soutien ont également lieu devant les sièges de la RTS dans les villes de Lausanne, Genève et Fribourg. De nombreux témoignages sont partagés sur les pages Facebook et Instagram de la Grève féministe, auxquels s’ajoutent ceux qui sont publiés dans le Matin Dimanche du 8 novembre. Ils confirment tous le profond dysfonctionnement du service et le climat toxique qui y règne bien souvent.
Un rapport de forces à construire
En parallèle, des salariéEs de la RTS, révoltés par les réponses en demi-teinte et le manque de responsabilisation de la part de leur hiérarchie, vont exiger, dans un mail interne signé par quelque 700 collaborateurEs, la mise sur pied d’une commission d’expertEs mixte composée de trois personnes : une proposée par la RTS, une par le collectif RTS de la Grève féministe et une négociée par la SSR (Société suisse de radio et de télévision) et le collectif de la grève féministe.
Cette commission aura la charge de réaliser différentes enquêtes sur les faits dénoncés et la gestion de ceux-ci par Gilles Marchand et Pascal Crittin, respectivement directeur général de la SSR et directeur de la RTS, et par les ressources humaines. Dans l’attente des résultats, les employéEs demandent la suspension des deux cadres incriminés.
La solution réside dans l’auto-organisation des travailleurEs pour obtenir une inversion du rapport de forces et obliger les employeurs à prendre leurs responsabilités face à des cas de harcèlement. Elle réside dans la solidarité féministe pour toutes les victimes d’agressions sexuelles et dans l’exigence collective de la fin du régime du silence et de la honte. La création de commissions du personnel sur les lieux de travail, dont les éluEs seraient à l’abri du licenciement, favoriserait un tel horizon. En attendant, à la RTS, nous devons exiger la protection de touTEs les salariéEs qui témoigneront durant cette enquête.
La mobilisation des employéEs du service et le soutien qu’elles et ils ont reçu des différents collectifs féministes de Suisse romande sont exemplaires. Preuve que la lutte paie, la direction a annoncé depuis la suspension des cadres incriminés jusqu’à l’aboutissement d’une enquête interne. Darius Rochebin, de son côté, est absent du plateau de LCI depuis le 31 octobre.
Publié dans le n° 378 de solidaritéS (Suisse). Version intégrale sur https://solidarites.ch/j…