En Catalogne, les résultats du scrutin de ce 27 septembre ont donné une majorité absolue de sièges aux forces indépendantistes.
Dans le cadre d’une augmentation importante de la participation (presque 80 %), c’est un plébiscite pour Artur Mas et dans une moindre mesure la CUP. La dynamique de polarisation a aussi permis une montée spectaculaire de Ciutadans, un parti unioniste et ultralibéral à l’allure moderne, anticorruption et sans image réactionnaire, qui a volé énormément de voix au PP, l’un des grands battus, au PS et même à la candidature promue par Pablo Iglesias. Ciutadans passe de 7 à 25 sièges et devient la deuxième force. Et le Parti socialiste catalan (PSC), malgré une perte importante de voix, freine sa « pasokisation ».
La candidature unitaire dirigée par Mas, « Junts pel sí », a gagné les élections tout en perdant des voix en comparaison à la somme de voix de CiU et ERC aux élections précédentes. C’est un succès politique énorme pour Mas, qui a su répondre à la rupture récente avec son partenaire historique, l’UDC, opposé à l’indépendance. Cela lui a permis de surfer sur la vague indépendantiste, avec le soutien d’un mouvement de masse structuré.
Pour Mas, l’enjeu et la contradiction sont les suivantes : utiliser «Junts pel si» pour opérer une refondation du nationalisme conservateur (affaibli par les politiques d’austérité) dans un cadre unitaire ; gérer un mouvement qu’il ne contrôle pas, tout en évitant, ou tout au moins en retardant, toute vraie confrontation ouverte avec l’État espagnol. Mas va être poussé à continuer le processus d’indépendance malgré l’absence de majorité absolue en terme de voix.
Percée de la CUP, échec de « Catalunya sí que es pot »
La CUP (les indépendantistes d’extrême gauche) a fait une très bonne campagne, à l’aise dans un contexte de polarisation identitaire. Ils ont pu résister à la pression unitaire de «Junts pel si» et opérer une radicalisation de gauche pour se différencier de Mas. Ils ont aussi profité la faiblesse de la campagne de « Catalunya sí que es pot » pour apparaître comme une force anticapitaliste, féministe, indépendantiste et républicaine décomplexée, partisane de la sortie de l’euro, critique de la capitulation de Syriza et soutenant Unité populaire en Grèce… Bref, ils ont rassemblé la radicalité de cette campagne.
Le problème de la CUP est son alliance stratégique préalable avec Mas sur les questions d’indépendance et les pressions brutales en vue de son soutien à l’investiture, même si aujourd’hui la CUP affirme son refus. L’autre problème structurel est qu’ils ont aussi gagné un électorat de centre-gauche, indépendantiste mais très unitaire par rapport au « processus », alors que leur lien avec la classe ouvrière organisée et les quartiers populaires des grandes villes restent très faibles.
« Catalunya sí que es pot », l’alliance entre Pablo Iglesias (Podem en Catalogne, y compris sa direction, a été un observateur passif du grand chef...) et Iniciativa per Catalunya (les eurocommunistes verdisants) a été un échec. En premier lieu parce que la campagne s’est déroulée dans un contexte de modération de la ligne de Podemos, avec des accords « par en haut », très éloignés de ce qui par exemple a fait le succès d’Ada Colau à Barcelone.
De plus, la campagne, profilée pour attirer les voix venues du PS (assez modérées et anti-indépendantistes), le soutien à Syriza, la démobilisation de Podem (en pleine crise), et un discours sur le fond faible face au défi indépendantiste, expliquent un score faible (8,94 % et 11 sièges). Rappelons qu’avant l’été, les objectifs, toujours revus à la baisse, étaient de battre Mas, puis un plus tard de battre Ciutadans, puis d’avoir meilleur score que le PSC...
De Barcelone, Andreu Coll