Publié le Samedi 17 juin 2023 à 07h30.

État espagnol : réduire la menace de l’extrême droite en changeant de cap

Dans la foulée de la défaite du gouvernement de gauche en Espagne, des élections législatives anticipées seront organisées le 23 juillet.

Il ne sera certainement pas possible d’endiguer la dérive droitière en faisant évoluer le PSOE vers la droite. L’expérience récente des trois dernières années en Espagne, comme dans d’autres pays : les nouveaux progressismes peuvent être, pour citer [le sociologue Massimo] Modonesi, une « digue temporaire », un moindre mal face au bloc réactionnaire, mais ils ne sont pas capables de « résoudre les contradictions sous-jacentes » qui expliquent sa montée.

Faire vivre un projet autonome et alternatif

Dans ce contexte, la situation de « paix sociale » que les directions des CCOO et de l’UGT1 ont maintenue tout au long de cette législature et qu’elles ont renouvelée avec leur récent pacte avec les patrons ne semble pas de nature à favoriser la remobilisation de la gauche. Il sera donc difficile de créer les conditions favorables pour déborder le cadre bipartisan de la campagne électorale et, surtout, de faire apparaître un projet autonome et alternatif dans la campagne qui mette au centre des questions aussi fondamentales que la lutte contre le changement climatique, la précarité de nos vies, l’avancée dans la reconnaissance de la réalité plurinationale de l’État, ou le rejet d’un racisme structurel qui, comme nous l’avons vu récemment, en est venu à avoir ses pires expressions non seulement à notre frontière méridionale, mais aussi sur les terrains de football.

Dans ce contexte, la gauche anticapitaliste doit également assumer sa part de responsabilité dans la situation de défaite collective dans laquelle nous nous trouvons et qui la conduit à être pratiquement absente en tant qu’alternative politique lors de la prochaine bataille électorale. Cela ne signifie pas qu’elle doive ignorer la nécessité de contribuer à empêcher la victoire du bloc de droite, car nous ne pouvons pas sous-estimer la menace que représenterait son accès au gouvernement de l’État, avec l’attaque conséquente des droits civils et sociaux fondamentaux (en premier lieu contre les personnes du Sud et les femmes) et le renforcement d’une prétendue démocratie, prête même à mettre hors la loi une partie de l’actuel spectre parlementaire.

Résister à l’autoritarisme et au bipartisme

Cependant, la gauche anticapitaliste devrait affronter ce danger à partir d’une position autonome et critique qui, à son tour, chercherait à se joindre aux mouvements sociaux et aux forces politiques à gauche du PSOE, cela dans un processus de remobilisation sociale contre les politiques néolibérales et néoconservatrices, d’où qu’elles viennent et quels que soient les gouvernants.

En tout état de cause, quels que soient les résultats du 23 juillet, des heures encore plus difficiles nous attendent : il est temps de résister à la menace d’un autoritarisme réactionnaire, mais aussi à un bipartisme systémique qui se renforce, et de chercher de nouvelles voies de convergence et d’ancrage dans les couches populaires qui contribueront à offrir un horizon d’espoir pour un véritable changement. Pour cela, il faudra s’appuyer sur le travail essentiel et patient des réseaux de solidarité de quartiers et de lieux de travail qui permettent un plus grand ancrage social autour d’une culture de la mobilisation et de la solidarité qui remette au centre les conflits sociaux et la défense d’une vie digne sur une planète habitable face au capital. 

 

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  • 1. Confédération syndicale des Commissions ouvrières et Union générale des travailleurs, les deux principales formations syndicales dans l’État espagnol.