Publié le Jeudi 24 novembre 2022 à 08h00.

États-Unis : 48 000 salariéEs des universités en grève en Californie

Quelque 48 000 salariéEs universitaires répartis sur dix campus de l’université de Californie (UC) ont fait grève le 14 novembre pour réclamer une augmentation des salaires et des avantages sociaux. Il s’agit de la plus grande grève de l’année aux États-Unis. C’est également la plus grande grève de l’histoire de l’enseignement supérieur en Amérique.

Le salaire moyen des étudiantEs diplômés ayant un poste dans l’université (comme assistantEs d’enseignement, lecteurEs et tuteurEs) est de 24 000 dollars par an, ce qui n’est même pas un salaire de subsistance : le coût du loyer d’un appartement dans les villes où sont situés les campus étant en moyenne de 24 000 dollars par an et de 37 000 dollars à Los Angeles. Et le taux d’inflation, actuellement supérieur à 7 %, érode le pouvoir d’achat. CertainEs des étudiantEs travailleurEs de l’université ont un deuxième ou un troisième emploi, d’autres vendent leur sang, et d’autres encore sont même devenus des sans-abri.

Revendications salariales

Le syndicat demande un salaire moyen de 54 000 dollars par an pour la plupart des salariéEs et de 70 000 dollars pour les post-doc (qui gagnent actuellement 55 361 dollars) avec une clause d’indexation sur le coût de la vie qui s’adapterait à l’inflation. Le syndicat demande également 2 000 dollars par mois pour la garde d’enfants, un congé parental élargi et des cartes d’abonnement aux transports publics. Les professeurs membres de l’Association des professeurs de Californie, dont les salaires se situent en moyenne entre 85 000 et 176 000 dollars, ne participent pas à la grève.

Neil Sweeney, post-doc en microbiologie et président de la section 5 810 de l’UAW (syndicat des travailleurs de l’automobile qui syndique aussi les universitaires), déclare que le syndicat tente d’apporter des « changements transformationnels » qui amélioreront la vie des travailleurEs ainsi que l’enseignement et la recherche. Les négociations contractuelles duraient depuis plus d’un an lorsque la grève a commencé, et le syndicat a déposé 28 plaintes pour pratique déloyale de travail en raison du manquement de l’université à négocier de bonne foi. L’administration de l’université souhaite une médiation, mais le syndicat veut continuer à négocier tout en faisant grève.

Présence syndicale

Les grévistes sont des chercheurs post-doctoraux, des chercheurs universitaires, des étudiantEs travailleurEs universitaires (assistantEs d’enseignement, lecteurs et tuteurs) et des chercheurs diplômés travaillant sur les dix campus de l’université, répartis sur plus de 800 km du nord au sud. Ils sont membres de trois syndicats locaux, tous affiliés au syndicat United Auto Workers (UAW) — aux États-Unis, à mesure que les effectifs de l’industrie ont rétréci, divers syndicats industriels ont commencé à organiser les employéEs académiques des universités du pays, qui sont aujourd’hui représentés non seulement par l’UAW mais parfois par les United Electrical Workers, les Communication Workers ou les United Steel Workers, ainsi que par l’American Federation of Teachers ou la National Education Association. Les grévistes, tels que les assistantEs d’enseignement, effectuent une grande partie de l’enseignement et de la notation à l’université et, sans eux, de nombreux cours ont dû être fermés, tandis que les notes des examens finaux des étudiants risquent de ne pas être terminées à temps. Depuis qu’ils et elles sont en grève, les travailleurEs de l’UC ont reçu le soutien de la Fédération californienne du travail qui a appelé à l’annulation de tous les événements sur le campus. Les Teamsters (camionneurs) syndiqués de UPS ont déclaré qu’ils n’effectueraient pas de livraisons sur le campus pendant la durée de la grève.

Bataille contre l’université et le gouverneur démocrate

Le gouverneur démocrate, Gavin Newsome, est le principal responsable de l’université de Californie. L’université est administrée par un conseil de régents, dont 18 sont nommés par le gouverneur pour 12 ans, tandis que d’autres sont des hauts fonctionnaires du gouvernement. Les régents supervisent un budget de 43,9 milliards de dollars, provenant principalement du budget de l’État et des frais de scolarité des étudiantEs, qui s’élèvent à 14 226 dollars par an — ceux ou celles qui viennent des autres États ou pays payent 43 980 dollars par an. Les finances de l’université dépendent en fait principalement des recettes des impôts sur les sociétés, et la Californie abrite certaines des plus grandes entreprises du pays : Walt Disney, Chevron, Apple et Google, et bien d’autres. Pourtant, ces entreprises ne paient qu’un taux d’imposition forfaitaire de 8,84 %. En fin de compte, pour gagner, les grèves de l’UC doivent obtenir des concessions de la part du gouverneur et, à long terme, du corps législatif de l’État, qui contrôle à la fois les impôts et le budget de l’État.

Cette énorme grève, surtout si elle aboutit à un succès, pourrait avoir un impact significatif sur d’autres travailleurs, dans l’enseignement supérieur et chez les employés publics. Avec la récente grève nationale de 2 000 travailleurEs dans 100 magasins Starbucks et la lutte pour la reconnaissance de l’organisation syndicale chez Amazon, nous pouvons constater que des jeunes travailleurs transforment les syndicats en organisations plus combatives.

Traduction Henri Wilno