Aux États-Unis, les mobilisations se poursuivent pour protester face aux menaces qui pèsent sur le droit à l’avortement. L’occasion de revenir sur les dangers bien réels d’une éventuelle décision de la Cour suprême, et sur la nécessité de la solidarité internationale.
Lundi 2 mai le site Politico a publié une proposition d’arrêt de la Cour suprême des États-Unis menaçant la jurisprudence Roe v. Wade et, par là même, le droit à l’IVG pour l’ensemble des Étatsuniennes. L’arrêt Roe v. Wade, en 1973, avait reconnu le droit à l’avortement comme un droit constitutionnel en se basant sur le 14e amendement qui garantit le « droit à l’intimité ». C’est donc cette reconnaissance juridique qui est aujourd’hui menacée.
Une attaque sans précédent
Le droit à l’IVG a subi depuis de nombreuses années des attaques répétées aux États-Unis. En 1992, la décision Planning familial v. Casey de la Cour suprême avait certes réaffirmé le droit à l’avortement mais avait permis par ailleurs aux États d’y apporter des restrictions. Depuis, pas moins de 487 lois ont été adoptées dans le but de réduire l’accès à l’IVG. Ainsi dans la grande majorité des États, l’IVG doit être pratiquée par un médecin agréé, parfois dans un hôpital. Un deuxième avis médical est parfois requis pour avoir accès à l’IVG et un délai de réflexion de 24 à 72 h peut aussi être imposé. Mais certains États vont encore plus loin, ainsi au Texas l’IVG est interdite au-delà de six semaines, même en cas d’inceste ou de viol, et l’Idaho a voté une loi similaire le 14 mars dernier. Dans ces États, le soutien ou l’aide apportés aux femmes désirant avorter sont pénalisés, la dénonciation est encouragée.
Portée par les magistrats conservateurs de la Cour suprême, la remise en cause de l’arrêt Roe v. Wade permettrait donc à chaque État d’établir sa propre politique en matière d’avortement. 26 États projettent déjà d’interdire l’avortement ou d’en réduire l’accès à trois ou six semaines, à des moments où la plupart des femmes ne savent pas encore qu’elles sont enceintes. Ce sont donc des millions de femmes qui pourraient être privées de leur droit à avorter d’ici le mois de juillet, date prévue du rendu de la décision de la Cour suprême. Cette charge pourrait aussi ouvrir la voie à d’autres attaques. En effet, c’est sur le même principe de jurisprudence du 14e amendement et du « droit à l’intimité » que, par exemple, le mariage gay avait été légalisé aux États-Unis.
Se mobiliser face aux offensives réactionnaires
Les faits sont clairs : les restrictions à l’avortement ne réduisent pas le nombre d’avortements. Lorsque les délais légaux sont trop courts où lorsque l’IVG est interdite, les femmes sont forcées soit de se déplacer dans d’autres pays (ou pour les États-Unis dans des États moins restrictifs) soit de réaliser des avortements dans des conditions moins sécurisées et donc de se mettre en danger. Cela a des effets très directs par exemple pour les femmes les plus précaires ne pouvant pas se déplacer et qui n’auront pas d’autre choix que de poursuivre leur grossesse à terme ou de procéder à des avortements clandestins.
Une occasion supplémentaire, s’il en fallait une, de se rappeler que les droits des femmes sont infiniment fragiles. Chacune de nos victoires peut être remise en question, en particulier en cas de crise, dans une société patriarcale qui fait de nos corps des objets à contrôler. Pour que nos droits soient garantis, il nous faudra lutter sans cesse. Depuis l’annonce, des milliers de femmes ont manifesté aux États-Unis, ailleurs des rassemblement de solidarité ont eu lieu. Ce qui se passe aux États-Unis ressemble dramatiquement à ce qui se passe ailleurs et notre réponse doit toujours être celle de la solidarité féministe internationale.