Publié le Mardi 30 juin 2020 à 15h01.

Grande distribution, aviation, cochonnaille, virus et profits… en Allemagne

Tout est dans tout. Deux districts du Land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (Gütersloh et Warendorf), soit 600 000 personnes, ont été à nouveau confinés à partir du 18 juin, sous menace de Covid-19 : restrictions à la circulation dans l’espace public et à la fréquentation des bars et restos, des établissements de sport, crèches et écoles.

À l’origine, il y a la découverte d’un « cluster » ou « hotspot » comme il s’en était déjà déclaré à plusieurs reprises dans ces abattoirs ou plutôt charcuteries industrielles. Cette fois chez Tönnies, du nom de la famille propriétaire, lieu d’abattage mais aussi de transformation de viande où 1553 salariéEs sont infectés, et 7000 au total mis en quarantaine.

Tönnies n’est pas une « petite boîte »

L’entreprise compte 16 500 salariéEs à l’échelle mondiale, c’est le plus gros « producteur de porc » européen, dirigé par une famille qu’on aurait envie de dire « purs porcs » : 70 à 80% du personnel relève de la sous-traitance, la main-d’œuvre est constituée pour l’essentiel de salariéEs venus d’Europe centrale et de l’Est (Roumanie, Pologne, Bulgarie), logée dans des foyers immondes à raison de 8 à 10 par pièce et quasiment sans sanitaires, et contrainte de travailler sans protection de 12 à 14 heures par jour payées 8 heures. Au travail comme au foyer, la promiscuité. C’est ce que décrit dans les médias Jonas Bohl, le responsable du syndicat NGG de la branche, qui se dit démuni face à la situation du fait des problèmes de langue et d’exploitation et de précarité extrêmes. Les dirigeants (CDU) du Land comme les responsables fédéraux font les gros yeux mais se contentent de promesses d’amélioration auxquelles ils ne croient pas (« Pretty much zero » confiance, dit le ministre fédéral allemand du Travail !). La famille ou mafia Tönnies refuserait même de donner les noms des salariéEs contaminés, qu’elle n’a peut-être pas tant elle les considère comme du bétail. Une chose est sûre, si le virus est là, les profits aussi.

Les « big boss » défraient la chronique

Dans le même temps, l’actualité est marquée par le culot d’autres grands de la planète capitaliste allemande, dans l’automobile et tout récemment dans la grande distribution et l’aviation.

La chaîne de grands magasins « Galeria Karstadt Kaufhof » et sa filiale « Karstadt Sports » viennent d’obtenir d’un tribunal et d’experts en restructurations un montage leur permettant de fermer 62 de leurs 172 sites, d’où la suppression de près de 6000 emplois. Les pertes liées au ralentissement d’activité pour coronavirus ont bon dos, car ces restructurations et coupes dans les effectifs succèdent à d’autres, la grande distribution ayant déjà assaini ses profits par des licenciements et ne faisant que saisir l’opportunité du coronavirus pour les poursuivre. Le big boss de la firme, l’autrichien René Benko, est un self-made man décrit comme le requin par excellence, maître dans les achats et rachats dans la zone Allemagne-Autriche-Suisse depuis plus de vingt ans, à la tête d’un empire opaque adossé à l’hinterland des pays de l’Est (mais aussi au monde arabe et à l’Afrique du Sud), par ailleurs en bons termes avec des notables politiques de haut rang.

La Lufthansa et les profits tirés du Covid

Évidemment, les avions sont restés cloués au sol mais la compagnie allemande a réalisé un total de plus de 9 milliards de gains durant ces cinq dernières années (entre autres et déjà au moyen de suppressions d’emplois qui avaient donné lieu à des grèves). Cette fois, elle décroche ces 9 milliards de l’État sous forme de crédits et d’achat d’actions (l’État détiendra 20 % de parts de la compagnie) sans aucune contrepartie : pas de droit de regard sur le respect de mesures écologiques, pas de droit de regard sur la politique de l’emploi – la Lufthansa annonce d’ores et déjà une « surcapacité » de 22 000 emplois, dont 11 000 en Allemagne. Soit un emploi supprimé sur six.

La plus grande puissance capitaliste d’Europe annonce les plans les plus ambitieux en faveur de ses grands profiteurs. Normal ! Ses dirigeants politiques leur réservent même, en fric alloué pour licencier, un « traitement de faveur »… ce qui se dit « Extrawurst » en allemand, ou « saucisse de choix »…