Après la victoire de la Nouvelle Démocratie (ND) le 21 mai, on pouvait espérer pour ces nouvelles élections législatives que la gauche, sévèrement battue, allait opposer à Mitsotakis une dynamique d’unité minimum contre la droite et les fascistes qu’elle remet en selle.
Faute du moindre sursaut, la droite confirme sa victoire et va pouvoir poursuivre sa destruction des acquis et des valeurs démocratiques.
Un boulevard pour Mitsotakis and Cie
Certes, la victoire de ND est moins forte qu’espéré par certains : avec 40,5 %, elle perd 0,15 % et 290 000 voix par rapport à mai. Mais elle atteint l’objectif d’une majorité de députéEs (158, pour un seuil de 150) et a promis de « se mettre au travail » illico : universités privées, privatisations à outrance, confiscation de logements pour dettes, sur-tourisme… On a pu lire que ND séduisait par un apport de stabilité : sur fond de vie chère et de casse des services publics (d’où la catastrophe ferroviaire de Tèmbi), c’est tout le contraire ! Les menaces pour les travailleurEs et les jeunes sont d’autant plus fortes que le fiston Mitsotakis concentre des pouvoirs exceptionnels avec le soutien du grand patronat et que sa politique « à la chilienne » lui a fait placer à des postes clés des militants d’extrême droite, ultralibéraux et antidémocrates.
La campagne électorale de ND s’est appuyée sur un discours raciste et nationaliste crapuleux — un candidat s’est réjoui de la mort des centaines de réfugiéEs qui sinon « seraient venus voler ». Et une ouverture décomplexée à l’extrême droite a eu comme résultat soit le soutien de fascistes à ND, soit une publicité pour des groupes par ailleurs inexistants, comme Niki ou Spartiates, relayée par les réseaux talibans orthodoxes ou les messageries. Résultat : 3 groupes obtiennent au total 12,8 % et 34 députés, dont Spartiates, promu depuis sa prison par l’un des assassins en chef d’Aube dorée. Face à ce poison, pas encore structuré sur le terrain, la relance du mouvement antifasciste est cruciale.
Profonde défaite de la gauche
Toutes les composantes de la gauche ont perdu des voix : – 26 000 pour le KKE (PC grec) qui augmente un peu son pourcentage à 7,7 %, – 21 000 pour Mera (Varoufakis, 2,5 %) non élu. La coalition anticapitaliste Antarsya perd la moitié de ses voix (16 000 voix), passant de 0,5 à 0,3 %. C’est Syriza qui connaît la plus significative défaite : en perdant depuis mai 260 000 voix (désormais à 17,8 %), il perd en tout 860 000 voix depuis 2019. Certes, il reste le 1er parti d’opposition, mais son avenir devient alarmant, même si dans les banlieues populaires, il reste autour de 20 à 22 % (le KKE à 11-12 %). L’un des éléments de cette nouvelle défaite à gauche, c’est une très forte abstention : 47,2 %, soit 800 000 voix en moins depuis mai (sur 9,9 millions d’inscritEs, ce qui veut dire aussi que « seulE » 1 électeurE sur 5 a voté ND !) ! À cela, deux raisons : le départ des jeunes saisonniers pour bosser au service des touristes européens... Et aussi : alors que toute la gauche évoquait le risque d’une ND les mains libres, chaque parti a pourtant continué son offre boutiquière, avec attaques contre le voisin et tir groupé, plus contre Syriza que contre ND. Effet dissuasif prévisible et effectif ! C’est donc en très mauvais état que la gauche aborde une nouvelle étape aux dangers évidents, qui nécessitera vite de fortes mobilisations unitaires si on veut empêcher le « Orbán grec » d’aggraver sa politique au service des oligarques.
Athènes, le 26 juin 2023