Nous l’évoquions la semaine dernière : la démission surprise du Premier ministre libanais Saad Hariri, le 4 novembre dernier, est un nouvel avatar de la lutte d’influence régionale que se livrent l’Arabie saoudite et l’Iran. Loin de retomber, les tensions se sont accrues au cours des derniers jours.
Les deux pays, qui concourent au titre de première puissance régionale, ont rompu leurs relations diplomatiques en 2016, et la situation n’a cessé de se dégrader depuis. La démission de Saad Hariri vient rappeler que le Liban est, au côté de la Syrie, de l’Irak et du Yémen, le quatrième front sur lequel se déroule aujourd’hui la lutte entre l’Iran et l’Arabie saoudite.
Rivalités anciennes
Les rivalités entre les deux pays sont anciennes. Après la révolution de 1979, l’Arabie saoudite s’était sentie menacée par le discours du régime iranien, alliant conservatisme religieux et hostilité farouche aux États-Unis, principal allié et soutien de Ryad, et avait appuyé le régime de Saddam Hussein durant la guerre Iran-Irak (1980-1988). Après un apaisement relatif au cours dela seconde moitié des années 1990, les tensions vont reprendre après la chute de Saddam Hussein en 2003 et l’avènement d’un gouvernement irakien dirigé par des Chiites proches de l’Iran, étendant la sphère d’influence de Téhéran. Les soulèvements arabes de 2011 seront une opportunité pour les deux rivaux de modifier les rapports de forces régionaux, par des interventions dans les conflits qui se développent avec l’épuisement du processus révolutionnaire.
Polarisations régionales
Les défaites militaires de l’État islamique, dont la montée en puissance avait contribué à introduire de nouvelles polarités – et de nouvelles alliances – au niveau régional, ont remis à l’ordre du jour l’opposition directe entre l’Iran et l’Arabie saoudite. Le changement d’administration aux États-Unis et l’hostilité ouverte de Trump au régime iranien, qui conduit le président US à s’opposer à l’accord sur le nucléaire obtenu par Obama, sont en outre considérés par le royaume saoudien comme des encouragement à durcir ses positions vis-à-vis de l’Iran. Ryad a d’ailleurs félicité, début octobre, Donald Trump, publiant un communiqué affirmant que « l’Arabie saoudite soutient et salue la ferme stratégie proclamée par le président Trump à l’égard de l’Iran et de sa politique agressive ». Une déclaration quasi conforme à celle de Benyamin Netanyahou…
Les peuples pris en otage
Si les discours belliqueux de ces derniers jours ne doivent pas être pris au pied de la lettre et laisser penser que nous serions à la veille d’une conflagration régionale, force est toutefois de constater qu’une situation de guerre froide durable s’est installée. Les deux puissances interviennent militairement hors de leurs frontières pour préserver ou étendre leurs zones d’influence, s’affrontent par groupes satellites interposés, et chaque pays de la région, voire chaque force politique, est sommé de choisir son camp. Conjuguée à l’instabilité régionale, cette guerre froide n’augure rien de bon pour les peuples du Moyen-Orient, otages d’un affrontement entre deux régimes réactionnaires soufflant sur les braises des affrontements confessionnels et prêts à les sacrifier pour assouvir leur soif de domination.
JS