Hollande avait une bonne excuse pour sécher les obsèques de Pasqua : il lui rendait hommage en relançant la politique de la « Françafrique » dans laquelle Pasqua s’est si brillamment illustré...
Le jour des obsèques, le président de la République terminait donc son « déplacement » africain : une visite express de trois jours dans trois pays. Ceux-ci ne faisaient certes pas partie de l’empire colonial de l’ex puissance impérialiste française, mais ils comptent aux yeux de la puissance en perte de vitesse que préside Hollande, une France qui veut afficher les attributs d’une puissance du 21e siècle.
Pour l’occasion, le président Hollande a donc mis de côté les principes affichés par le candidat Hollande en 2012 quant aux rapports avec les pays d’Afrique : en finir avec « ces rapports de domination, d’influence et d’affairisme », faire confiance aux Africains « pour régler les questions qui les concernent directement ». Bref faire « pragmatique »... « Ça ne fonctionne pas comme ça en Afrique. Refuser la diplomatie parallèle et la camaraderie, c’est une erreur », aurait déploré le proche d’un chef d’État de l’Afrique centrale cité par Jeune Afrique. Hollande a donc repris son bâton de pèlerin pour, d’un coup de Falcon bourré de chefs de moyennes et grandes entreprises françaises, faire son petit tour. « La démocratie s’arrête là où commence l’intérêt de l’État », disait Pasqua en février 1987.
Les bons amis de l’État français...
Avant de retrouver deux vieilles connaissances de Pasqua, José Eduardo dos Santo, au pouvoir en Angola depuis 35 ans, et Paul Biya qui ne dirige le Cameroun « que » depuis 32 ans, Hollande a fait une halte au Bénin.
« Les visites de présidents français au Bénin sont aussi rares que la pluie en harmattan », a écrit un quotidien béninois, vu que le Bénin n’est ni un pays qui compte en Afrique ni une source de matières premières très recherchées. Un pays gouverné par un président particulièrement corrompu et peu porté sur le respect des droits de l’homme. Hasard, cette visite se produit deux semaines après la nomination de Lionel Zinsou au poste de Premier ministre, un haut fonctionnaire français... ancienne plume de Laurent Fabius, et surnommé le « bras néocolonial » de la France. Nouvelles méthodes on vous dit !
De ses intérêts économiques...
En Angola, si la brouille de José Eduardo dos Santo avec l’État français durait depuis les ventes d’armes de l’Angolagate en 1994, dans lequel trempait un certain Pasqua, il n’y a jamais eu d’embrouille avec Total. Deuxième producteur pétrolier d’Afrique subsaharienne, l’Angola représente 10 % de l’extraction pétrolière de Total qui y réalise un tiers de l’exploitation du pays. Total est d’ailleurs considéré comme le véritable « ambassadeur de France » à Luanda. Comme quoi pouvoir économique et politique sont vraiment interchangeables.
L’Angola, l’un des pays les plus inégalitaires d’Afrique, était la cible des chefs d’entreprise embarqués par Hollande pour participer à un Forum économique franco-angolais. Un vrai crève-cœur pour eux de ne pas profiter d’un pays, deuxième producteur mondial de diamants, doté d’une croissance prévue de 8,8 % pour 2015 (en recul par rapport aux 17 % de croissance de la période 2003-2008). Il s’agit donc de profiter du ralentissement des entreprises chinoises et brésiliennes pour arracher quelques miettes au bénéfice des entreprises françaises. Le contrat de Hollande a été rempli : un contrat de gestion de 50 hôtels (6 200 chambres) pour Accor, 200 millions pour la construction de passerelles à Eiffage, et même quelques bricoles de matériel militaire pour tourner vraiment la page de l’Angolagate.
Et de ses ambitions géostratégiques
Au Cameroun, Paul Biya en est à son 6e mandat présidentiel. Depuis le lancement de l’opération Épervier, au nom de la lutte contre la corruption, il a envoyé en prison une brochette d’anciens ministres et intellectuels qui rechignaient contre son népotisme, dont des intellectuels et avocats français, ce qui lui valait depuis 1999 un froid persistant avec les gouvernements français.
Mais depuis ses interventions au Mali et en République Centrafricaine, Hollande, qui se voit en chef de guerre contre les différents groupes intégristes sévissant dans la région, cherche des points d’appui et des relais. Le Cameroun en était potentiellement un, surtout depuis qu’il était devenu en 2013 la cible du groupe nigérian Boko Haram qui déstabilise la région. Il aura fallu deux ans à la diplomatie française pour convaincre Biya, et en janvier 2015, celui-ci a décidé d’engager l’armée camerounaise contre Boko Haram. Cela valait bien une petite visite reconnaissante de Hollande.
Finalement, la différence avec la Françafrique de Pasqua, c’est peut-être qu’il n’y a plus besoin de barbouzes, le président de la République est là pour ça !
Cathy Billard