Publié le Lundi 19 septembre 2016 à 06h07.

Hong-Kong : Succès politique d’une génération contestataire

Plusieurs figures de proue du jeune mouvement contestataire ont été élues au Conseil législatif du territoire de Hong-Kong avec des scores remarquables. Un succès qui les met en danger.

Le Conseil législatif (Legco) de la « région administrative spéciale » qu’est devenue Hong-Kong n’a que des pouvoirs limités et sa composition assure le contrôle de l’establishment pro-Pékin (et probusiness). L’élection du 4 septembre n’en a pas moins une importante portée politique : le candidat qui a reçu le plus grand nombre de voix (84 121), Eddie Chu, portait les couleurs du Demosisto, créé après le « Mouvement des parapluies » qui a secoué le territoire il y a deux ans. Le plus jeune élu, Nathan Law (23 ans, 50 000 voix) appartient au même parti, constitué avec Joshua Wong (19 ans). Parmi les autres élus, Baggio Leung (30 ans) et Yau Wai-ching (25 ans) représentent Youngspiration, un courant « loyaliste » qui réclame l’autodétermination.

Plusieurs personnalités du courant prodémocratique traditionnel ont été battues, au profit de jeunes plus radicaux. La participation électorale a été élevée : 2,2 millions de votants (58 % du corps électoral). Bien entendu, les formations pro-Pékin contrôlent toujours une majorité écrasante de sièges. Le Legco comprend 70 membres, pour moitié élus par circonscriptions électorales et pour moitiés par corps professionnels « fonctionnels » (l’un d’entre eux comprenant… 127 électeurs !).

Génération(s)

La vie politique et sociale à Hong-Kong a toujours été profondément marquée par la succession des générations. Une première rupture s’est produite après la révolution de 1949 entre les « anciens » venus de Chine continentale et les jeunes nés sur place, dans la colonie britannique – où, soit dit en passant, il n’y avait pas une once de système de représentation démocratique. Ce n’est qu’une fois que Londres a décidé de rétrocéder le territoire à Pékin que des élections locales ont été instituées. Les générations post-1997 sont donc nées dans une « région » sous statut spécial : « Un pays, deux systèmes » garantissant en principe les libertés civiques jusqu’en 2047.

Cependant, le cours très répressif du régime chinois se fait ressentir. Le rôle du territoire est beaucoup moins important qu’après 1997. Hong-Kong fut une précieuse porte ouverte sur le marché mondial. Les affaires se font maintenant directement sur le continent, comme à Shanghai. Enfin, la collaboration entre la nouvelle bourgeoisie bureaucratique chinoise et les transnationales nippo-occidentales est éprouvée. Pékin a de moins en moins de raisons de mettre des gants. Les changements s’opèrent sans attendre 2047. Ainsi, des éditeurs ont été secrètement enlevés et incarcérés sur le continent pour faire taire les médias trop dissidents.

Les élections à peine passées et déjà des membres contestataires du Legco se voient très sérieusement menacés. Eddie Chu – le mieux élu des législateurs ! – a reçu des menaces de mort. Obligé de quitter son habitation avec sa famille, il est allé porter plainte à la police. Précédemment, Ken Chow, alors candidat, avait dû interrompre sa campagne, après avoir appris que des proches risquaient de payer le prix de son audace.

La situation est d’autant plus tendue qu’un courant nationaliste et indépendantiste de droite se développe aussi à Hong-Kong (les candidats prônant ouvertement l’indépendance n’ont pas eu le droit se se présenter).

Pierre Rousset