«C’est comme si un genre d’OVNI invisible était tapi dans nos cieux, aspirant l’air de nos poumons. Un raid aérien tel que nous n’en avons jamais connu. » Ainsi l’écrivaine et militante Arundhati Roy évoque-t-elle la panique qui a saisi l’Inde face à la deuxième vague de Covid. Dans ce sous-continent de 1,3 milliard d’habitantEs, les bilans sont tragiques : 400 000 nouvelles contaminations par jour et plus de 200 000 morts, officiellement. À quoi s’ajoutent les images de bûchers sur les places publiques, dans les parcs et les parkings.
La responsabilité du Premier ministre Narendra Modi et de son parti hindouiste d’extrême droite au pouvoir, inspirateurs de pogroms anti-musulmanEs, matraqueurs de travailleurEs et de paysanEs en révolte ces derniers mois, est flagrante. Devant ses amis « décideurs » du monde occidental, en janvier dernier à Davos, il a vanté une Inde championne de la lutte contre le virus, qui aurait su mettre en œuvre un confinement drastique il y a un an, imposé dans les quatre heures. Tant pis, entre autres, pour les 400 millions de travailleurEs saisonniers migrants bloqués en ville, sans travail et sans ressources.
Et la deuxième vague est un tsunami.
L’Inde est un pays pauvre ? Mais aussi un pays riche. L’Inde est un pays capitaliste, concentré de ce système d’exploitation et d’oppressions, aux inégalités et injustices exacerbées. D’un côté des chefs de multinationales parmi les grandes fortunes du monde, de l’autre plus de 200 millions de personnes vivant avec 32 roupies (moins de 0,011 euros) par jour. D’un côté de gros producteurs et exportateurs (jusqu’à tout récemment) de vaccins, de l’autre l’immense masse des sans-fric qui crève de ne pouvoir accéder à un système de santé fondé aux deux tiers sur le privé et la rentabilité. Sans parler du marché noir de l’oxygène devenu, selon les termes d’A. Roy, « la nouvelle monnaie de la nouvelle bourse morbide de l’Inde », ou des pots-de-vin « pour jeter un dernier regard sur votre bien-aimé, emballé et empilé dans une morgue. »
L’aide internationale est à l’image du capitalisme. Abjecte comparée aux moyens des grandes puissances. La France de Macron a envoyé un avion de matériel… tandis qu’en 2016 Dassault avait vendu 36 Rafale à l’Inde, pour sept milliards d’euros.