En Iran, de nombreux syndicalistes ont récemment été jetés en prison, parmi lesquels Reza Shahabi et Davood Razavi.
Reza Shahabi, du syndicat VAHED (autobus de la région de Téhéran), avait obtenu une liberté conditionnelle pour raison médicale suite à des campagnes internationales de soutien, mais sa peine vient d’être augmentée de cinq ans. Mahmood Saléhi a quant à lui été arrêté à la sortie de l’hôpital après une séance de dialyse… Davood Razavi, du syndicat VAHED (licencié depuis plusieurs années pour activités syndicales), et Ali Néjati, du syndicat de la sucrerie Haft-Tapeh, sont de leur côté appelés à se constituer prisonniers.
Ultralibéralisme et corruption
Même pendant la présidence d’Ahmadinejad, on n’avait pas vu une telle répression systématique des militants ouvriers. Cela pourrait paraître paradoxal, tant les médias avaient parlé d’une défaite de l’adversaire « ultra conservateur » de Rohani lors de l’élection présidentielle de 2013. Mais toutes les factions qui se succèdent au pouvoir sont composées de néolibéraux, admirateurs des « miracles économiques » du type Pinochet au Chili, ou du pouvoir chinois. Elles respectent toutes strictement les dogmes du FMI et de la Banque mondiale, et cherchent par tous les moyens à obtenir leur admission au sein de l’Organisation mondiale du commerce.
Les conséquences sociales de ces politiques sont catastrophiques, avec notamment une révision à la baisse du code du travail et une nouvelle loi sur l’apprentissage. Celle-ci livre les jeunes sur un plateau d’argent pour deux ou trois ans au patronat : salaire inférieur de 70 % à celui des salariéEs en fonction, absence de sécurité sociale sauf pour « certains » accidents du travail, etc.
Au même moment s’étale au grand jour l’ampleur de la corruption existant dans les cercles participant du pouvoir : détournement de sommes astronomiques, accaparement d’avoirs et de terres appartenant à l’État, salaires de milliardaires versés à des responsables gouvernementaux, etc.
Fuite en avant répressive
Les sanctions étatsuniennes actuelles ont par ailleurs bloqué le redécollage économique promis par le président Rohani : le chômage augmente, la production industrielle est dans un état critique et l’inflation réelle grimpe vertigineusement. Aujourd’hui, la classe ouvrière est dans une situation matérielle catastrophique : selon les chiffres officiels, plus de 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Face à cela, les travailleurEs iraniens ne restent pas les bras croisés. De nombreuses grèves ont lieu – malgré leur interdiction formelle par la loi islamique en vigueur – ainsi que des occupations d’usines. Les sit-in et les manifestations n’ont jamais été aussi nombreux, notamment devant l’Assemblée islamique ou les préfectures. Quant aux couches moyennes urbaines qui avaient soutenu activement Rohani, elles se prolétarisent de jour en jour. Le régime n’a jamais été aussi délégitimé et sa base sociale aussi étroite.
La situation catastrophique de l’économie et la vague actuelle de répression sont également liées au rôle de grande puissance régionale que veut jouer l’Iran. Il apporte un soutien économique considérable au régime sanguinaire de Bachar el-Assad. Sur le plan militaire, il intervient directement en Syrie ainsi que par le biais du Hezbollah libanais. Le régime a par ailleurs formé des brigades chiites en Irak, et est impliqué dans le conflit au Yémen.
Le gouvernement Rohani ne recherche aucun « compromis social » et veut en finir avec la contestation ouvrière. Sa fuite en avant répressive rend nécessaire une campagne de solidarité dans le monde entier.
Behrouz Farahany