Publié le Mardi 13 juillet 2010 à 23h10.

Israël-Afrique : ni collaboration, ni « coopération » mais Boycott,-Désinvestissement-Sanctions !

A juste titre, le monde entier a été révolté par l’attaque meurtrière des forces israéliennes contre la Flottille de la paix en direction de Gaza qui amarrait dans les eaux internationales. Les réactions unanimes condamnant cet acte de terrorisme ne se sont pas fait attendre en Afrique, continent qu’Israël convoite depuis plusieurs décennies. Les mouvements syndicaux, à l’exemple de la Cosatu sud-africaine, ou citoyens comme le Mouvement des femmes du Sénégal, exigent de leurs dirigeant-e-s de rompre toutes relations avec l’Etat sioniste. En Mauritanie, c’est le mouvement estudiantin qui prend la tête de la contestation. Tant qu’Israël occupera la Palestine et violera impunément le droit international, il doit être exclu des Nations-Unies. C’est ce qu’Aminata Traoré, ancienne Ministre de la Culture du Mali, et membre du Tribunal de Russel, souligne au moment où le TPI poursuit des chefs de guerre africains pour crimes.

Mais l’assaut de la Flottille révèle aussi ce qui est déjà entamé depuis plusieurs décennies. Israël développe depuis longtemps des contacts et collaborations avec les régimes africains, et avec la complicité des USA, de la France et de l’Angleterre entre autres.

Intéressement économique

Officiellement, Israël n’entretient des relations diplomatiques qu’avec 12 Etats d’Afrique. En réalité une quarantaine dont les plus marquants sont l’Egypte, l’Ethiopie, l’Afrique du Sud notamment durant l’apartheid, mais aussi la Mauritanie. Mais l’Afrique intéresse Israël surtout sur le plan économique. Ainsi, si l’industrie aurifère est encore contrôlée par l’Europe, Israël entend s’y tailler la part du lion ainsi que dans l’exploitation du colombite-tantalite, composante principale de cartes à puces, de l’informatique et de la téléphonie mobile. Le commerce du diamant et de l’armement constituent aussi les principaux domaines d’expertise économique israélienne en Afrique. De grandes sociétés telles que Solel Bonet, Koad Industries, Meïr Brother, Agridgo, investissent le marché africain via des emprunts de la Jahet Bank.

La realpolitik économique permet ainsi à Israël tout de même de maintenir des liens comptables et notables, l’Afrique du Sud restant bien évidemment le premier partenaire commercial, suivi par le Kenya, le Nigéria, la Centrafrique et la Guinée pour l’exploitation minière. Mais c’est surtout depuis l’apparition des Nouvelles technologies d’information et de communication, qu’Israël étend son champ d’action. Ainsi, depuis 2009 c’est Alvarion Leader qui assure l’ensemble du réseau NTIC au Burkina Faso. Ceci est d’autant plus inquiétant que l’ensemble des réseaux informatique de renseignements militaires est aux mains de cette société. Ainsi, au Congo et en Côte d’Ivoire le centre de surveillance électronique qui contrôle et pilote des drones de reconnaissance de sécurité est géré par des militaires israéliens.

Dans les années 1960, Golda Meir, alors Ministre des Affaires étrangères, pressent que la viabilité économique du pays ne saurait se passer de la manne financière que représente les Etats africains nouvellement indépendants. Prétextant que les peuples africains et israéliens sont tous deux victimes de crime contre l’humanité, qu’ils ont en commun de s’être libéré du joug colonial, et ont du mettre en valeur «une terre ingrate», elle va entamer d’âpres négociations auprès des tous nouveaux gouvernements, plutôt prompt à se tourner vers l’URSS et les pays non alignés, telle la Chine. Ainsi l’Afrique ne tombera pas aux mains des communistes mais restera au sein du giron capitaliste. Dans le même temps, Israël entretient des relations diplomatiques avec le Parti National afrikaner, le promoteur de l’Apartheid, et apportera également sa contribution dans le domaine du nucléaire au régime de Pretoria. En 1967, suite notamment à la guerre des 6 jours, et surtout en 1973 (guerre du Kippour et invasion du Canal de Suez) la plupart des Etats africains rompent toute relation avec l’Etat sioniste à l’exception notable du Lesotho, du Malawi et du Swaziland. Cet isolement atteindra son apogée en 1975, lorsque l’ONU vote la résolution 3379 assimilant sionisme et racisme.

Ancienne et nouvelle géopolitiques

Au paroxysme de la guerre froide, la percée israélienne en Afrique bénéficiera également de l’appui financier de la CIA dont les experts israéliens assureront par délégation les taches de formation, d’encadrement et de protections militaires. Cette infiltration permettra entre-autre, la formation des premiers pilotes des armées ougandaise, kényane, congolaise et tanzanienne. C’est ainsi que Mobutu et Idi Amine Dada, ont pu s’emparer du pouvoir. Au même moment, une alliance tacite israélo-états-unienne finançait les mouvements contre révolutionnaires africains dont l’Unita angolais contre le MPLA et l’Inkhata sud-africain contre l’ANC et la SWAPO. En Afrique du sud et en Mauritanie, le Mossad interviendra directement dans l’élimination d’opposant-e-s aux régimes d’apartheid et ethno-fasciste.

En outre, si aujourd’hui si le communisme n’est plus à craindre, l’Occident s’est inventé un nouvel ennemi: l’islamiste!!! De la théocratie iranienne de Mamoud Ahmadinejab qui a récemment reçu un accueil chaleureux au Kenya, à Djibouti et aux Comores aux sous-groupes de la nébuleuse Al-Qaida dans la corne de l’Afrique, en passant par le GIA algérien ou les «talibans» nigérians, le Mossad, toujours en appui de la CIA, des services secrets français et de l’armée états-unienne, se propose d’en combattre le développement sur le sol africain. Ainsi, le nord du Mali et la Mauritanie sont actuellement virtuellement sous contrôle de l’armée étatsunienne.

Les Juifs éthiopien-ne-s

En 1984-1985, au plus fort de la famine qui frappe la corne de l’Afrique, l’armée israélienne, la CIA, l’Ambassade US à Khartoum, des mercenaires et l’Etat soudanais organisent le transport aérien de milliers de réfugié-e-s éthiopien-ne-s de confession juive (les «Falashas» ou «beta Israël») pour rejoindre des camps de fortune au Soudan. 4.000 adultes meurent entassé-e-s dans des conditions inhumaines. Les enfants sont évacués vers Israël sans familles et souvent adoptés. En 1991, 14.000 personnes seront finalement exfiltrées en 36 heures vers Israël. Elle y seront installé-e-s dans des caravanes et subiront un profond choc culturel ainsi qu’un racisme populaire et institutionnel qui provoqueront des suicides dans cette communauté.

La tournée entreprise en septembre 2009 par Avigdor Lienmann vise clairement à reconquérir le soutien des représentant-e-s africain-e-s au sein de l’ONU et de peser contre le programme nucléaire iranien et la présence-concurrence de plus en plus importante de la Chine dans les domaines du pétrole, du bâtiment, de l’agriculture, et bientôt des technologies de pointe, chasse gardée de l’Etat hébreux. C’est aussi l’occasion pour les dirigeant-e-s israélien-ne-s de former un bouclier de sécurité autour de la Lybie, du Soudan et de l’Algérie réputés hostile à l’existence de leur Etat.

Les agissements d’Israël envers le peuple palestinien ne sont pas qu’une affaire moyen-orientale. Outre l’expression du soutien indéfectible à la lutte des Palestinien-ne-s contre le colonialisme et le racisme, il faut aussi dénoncer les implications israéliennes dans l’exploitation capitaliste du continent africain. Et cela signifie donc aussi faire le procès de la politique menée en notre nom par nos dirigeant-e-s.

Mariam Seri Sidibe