Le 8 avril, plusieurs dizaines de prisonnierEs palestiniens détenus par Israël ont lancé un mouvement de grève de la faim pour protester contre leurs conditions d’incarcération. Une mobilisation appelée à s’étendre, à laquelle des centaines de prisonniers, voire davantage, devraient se joindre dans les jours qui viennent, notamment à l'occasion de la journée internationale des prisonnierEs palestiniens, le 17 avril.
Face à la dégradation de leurs conditions de détention, les prisonnierEs et leurs représentants avaient entamé, au début du mois d’avril, des négociations avec l’administration pénitentiaire israélienne. Mais face à l’inflexibilité de cette dernière, ainsi qu’aux nombreuses mesures de rétorsion récemment prises contre plusieurs prisonniers, les représentants de ces derniers, issus des diverses factions politiques palestiniennes, ont lancé un appel à la grève de la faim.
Revendications élémentaires
Comme le rappelle l’association Addameer, qui agit en soutien aux prisonnierEs palestiniens et, plus globalement, aux droits humains, « les grévistes demandent l’installation de téléphones publics dans les prisons ; l’interdiction des brouilleurs de portables installés dans les cellules et les lieux fréquentés par les prisonniers ; le retour des prisonniers dans leurs quartiers dont ils ont été extraits par mesure de rétorsion ; […] l’autorisation des visites familiales interdites pour des raisons de sécurité, notamment à l’encontre des familles de la bande de Gaza ; la délivrance de soins médicaux corrects ; le transfert des femmes détenues dans la prison de Damon [nord, Haïfa] vers des établissements pénitentiaires qui répondent aux normes du droit international ; la fin du régime d’isolement […]. » Des revendications élémentaires en somme, soutenues par la plupart des ONG des droits humains, mais que les autorités israéliennes, dont on connaît le mépris pour le droit international, refusent de satisfaire.
Les luttes anticoloniales, antiracistes et anti-apartheid ont toujours été confrontées à des politiques d’enfermement de masse. Les prisonniers politiques ont même été, bien souvent, des symboles internationaux de ces luttes, de Nelson Mandela à Bobby Sands en passant par Mumia Abu Jamal et Angela Davis. Car ces politiques d’incarcération ne sont pas un supplément d’âme de la répression coloniale/raciste. Elles forment un élément central des dispositifs d’oppression et jouent un rôle structurel dans l’organisation de la démobilisation et la mise au pas des récalcitrants. L’univers carcéral israélien est ainsi, au-delà de ses spécificités, un « modèle réduit » de l’occupation israélienne prise dans sa globalité : un lieu d’enfermement, de répression, de déni de droit, de procédures arbitraires, mais aussi de socialisation politique et de lutte. Les prisons israéliennes poussent jusqu’à l’extrême – et souvent, à l’absurde – les logiques à l’œuvre dans le dispositif colonial de maintien de l’ordre. Ce sont aujourd’hui pas moins de 6 000 PalestinienEs qui sont enfermés en Israël, comme un symbole de l’enfermement de tout un peuple.
Pour citer de nouveau Addameer : « La question des prisonniers palestiniens détenus dans les prisons d’Israël dépasse la simple question des droits humains individuels ; elle concerne les droits collectifs de tout un peuple, le peuple palestinien qui continue d’être privé du droit à l’autodétermination et à la souveraineté, fondements du droit international. Tous les prisonniers politiques palestiniens – quelle que soit leur affiliation partisane ou le contenu de leur accusation – ont le droit à un procès juste, dans le respect de la législation internationale et humanitaire. » Solidarité !
Julien Salingue