Les membres de la « Commission Grands risques » ont été condamnés à six ans d’emprisonnement. Ils ont donné « des informations inexactes, incomplètes et contradictoires » sur la dangerosité des secousses sismiques enregistrées pendant les six mois qui ont précédé le 6 avril 2009 quand un tremblement de terre a détruit la ville médiévale d’Aquila, tuant 309 personnes à 3 heures 32 du matin.
Le procureur avait demandé quatre ans mais ce n’était pas assez pour le juge du tribunal du chef lieu des Abruzzes qui a prononcé le 22 octobre la condamnation des experts. Ceux-ci participaient à la réunion du 31 mars 2009 sur la série de secousses qui depuis des mois troublaient la vie de cette ville de plus de 70 000 habitants au centre de l’Italie.
« Il a cru en l’État »
Les sept experts et savants furent accusés d’homicide par imprudence, désastre et lésions graves. La défense a mis en avant l’impossibilité de prévoir les tremblements de terre, une position qui a été soutenue par des chercheurs internationaux. Des circonstances atténuantes ont été accordées à Franco Barberi, Enzo Boschi, Mauro Dolce, Bernardo de Bermardinis, Giulio Selvaggi, Claudio Eva et Gianmichele Calvi. Au-delà de la condamnation à six ans, ils ont été condamnés aussi à l’interdiction à vie d’occuper des fonctions publiques.
Comme le disait le fils d’une des victimes après la lecture de la sentence : « Si je n’avais pas été rassuré par la Commission, je ne serai pas là ». Ce témoin s’appelle Guido Fioravanti et ce procès a eu lieu parce qu’il s’est présenté à la justice en disant : « Mon père est mort parce qu’il a cru en l’État ». Cela a été le point de départ. À ce moment-là, dans les maisons d’Aquila, personne ne parlait d’autre chose.
Les journaux les plus liés au gouvernement de l’époque, le gouvernement Berlusconi, ont soulevé de grandes polémiques au sujet de la sentence, se disant scandalisés par ce qu’ils ont décris comme une condamnation pour ne pas avoir prévu le tremblement de terre. Il Giornale, dont le propriétaire est Berlusconi a titré que des gens ont été condamnés « parce qu’ils n’étaient pas des magiciens ». Mais la réalité est tout autre.
Pas un procès contre la science
Il n’y a eu ni chasse aux sorcières, ni procès contre la science. Ce sont six personnes qui ont fourni « des informations imprécises, incomplètes et contradictoires sur la dangerosité de l’activité, sismique rendant inutiles les activités de tutelle de la population », manquant ainsi aux devoirs d’évaluation du risque en rapport avec leur fonction. Ils ont poussé les victimes à rester dans les maisons. Il ne s’agissait pas de prévoir un tremblement de terre mais d’évaluer la situation comme dangereuse.
Le véritable objectif de la « Commission grands risques » n’était pas en fait d’évaluer les facteurs de risque mais de convaincre la population et les médias. Emblématique de tout cela était la conversation téléphonique entre le chef de la protection civile de l’époque, Guido Bertolaso et l’adjoint à la protection civile de la région des Abruzzes. Le chef de la Protection civile y a dit textuellement : « Eux qui sont les plus grands experts en tremblements de terre diront : c’est une situation normale… ce sont des phénomènes qui se produisent… c’est mieux qu’il y ait cent secousses au niveau quatre sur l’échelle Richter plutôt que le silence, parce que cent secousses permettent de libérer l’énergie et qu’ainsi il n’y aura jamais une grande secousse fatale… T’as compris ? ». L’adjoint a répondu : « Parfaitement ».
Après avoir trompé la population en niant le risque, le centre-droite essaie maintenant de mystifier l’interprétation de la sentence.
Checchino Antonini