Publié le Jeudi 17 mai 2018 à 11h26.

Italie : crise de gouvernance ?

Deux mois après les élections générales du 4 mars, les forces politiques italiennes n’ont pas réussi à former un gouvernement de coalition ni à construire une majorité parlementaire.

Comme aucun parti ou coalition n’a obtenu les voix et les sièges nécessaires pour imposer ses choix, on assiste à une série sans fin de manœuvres et de vétos croisés. Ce sont des forces toutes compatibles avec la bourgeoisie et intégrées à la gestion libérale du système. La gauche est absente ou insignifiante dans le Parlement.

Instabilité 

Le M5S (Mouvement 5 étoiles) avec son score de 32,7 %, a d’abord cherché à gouverner avec une force de droite, la Ligue dirigée par Salvini, et lui a demandé de rompre son alliance avec Berlusconi. Après l’échec de cette tentative, le candidat du M5S, Di Maio, a tenté l’alliance avec le PD (parti démocratique, social-libéral), très divisé mais encore contrôlé par son ancien dirigeant, Renzi, qui a refusé la proposition.

Face aux inquiétudes des forces économiques dominantes, surtout préoccupées par le rôle de l’Italie dans les prochaines échéances économiques et institutionnelles européennes parmi lesquelles la questions douanière (l’Italie est un important exportateur), le président de la République, Matarella, a avancé l’idée d’un gouvernement de « trêve » pour éviter de nouvelles élections et préparer la loi de finances d’automne dans le respect des règles européennes.

La défaite et l’affaiblissement du PD et de Forza Italia (le parti de Berlusconi), qui sont les meilleures expressions des intérêts et de la vision politique de la bourgeoisie, ont fait du M5S et de la Ligue les protagonistes de cette partie d’échecs (même si le PD et Forza Italia peuvent encore peser sur le processus).

Construire les mobilisations

Ces derniers jours, nous assistons à une tentative difficile du M5S et de la Ligue de constituer un gouvernement. Le fait que le M5S, qui a obtenu de nombreuses voix en provenance de la gauche, considère comme normale, voire « historique », une alliance avec une force xénophobe et réactionnaire comme la Ligue [qui entretient des relations avec le FN, NDT] en dit long sur la nature de ce parti. Salvini, qui pourrait être le nouveau ministre de l’Intérieur, n’a pas hésité à affirmer qu’il veut « avoir les mains libres avec les migrants ».

Derrière cette crise prolongée se manifeste un problème plus complexe : la bourgeoisie italienne a réussi à infliger une lourde défaite au mouvement ouvrier, mais n’a pas pu se donner une assiette politique stable et construire des partis capables de gérer les politiques d’austérité et de maintenir un consensus social (cela sans parler de la médiocrité du nouveau personnel politique).

Dans le même temps, le mouvement ouvrier, en raison des défaites subies et du recul du niveau de conscience, ne réussit pas à être une force politique et est donc, pour le moment, absent de la scène politique, malgré les luttes et les résistances qui se déroulent.

Mais c’est de ces luttes que doit repartir l’intervention des forces de gauche pour construire une opposition au prochain gouvernement, qui sera très mauvais quel qu’il soit : la question centrale, tant sociale que politique, est la reprise des mouvements sociaux.

Franco Turigliatto, traduction Henri Wilno