Publié le Jeudi 28 février 2013 à 12h20.

Italie : les soubresauts de la crise

La crise italienne explose avec les élections du 25 février. Le favori des élections, le Parti démocrate du centre gauche, n’atteint pas les 30 %, Berlusconi fait plus que résister, et Mario Monti le libéral est défait. Grâce à la loi électorale, le centre gauche aura 340 sièges (sur 630) à la Chambre des députés, mais au Sénat par contre, la situation est totalement ingouvernable. Et Beppe Grillo exprime la colère de la population…Premiers enseignements. La rage anti-crise et contre les « castes » politiciennes se concentre sur le mouvement de Beppe Grillo, qui a fait une grande campagne électorale, réunissant 100 000 personnes à Rome. Il représente le premier parti à la Chambre des députés avec 25,6 % des voix. Aucune hypothèse de gouvernement crédible ne sort des urnes, le besoin d’une alternative s'incarne aujourd’hui dans le « mouvement des 5 étoiles » de Grillo. Le gouvernement de Monti a été désavoué. Ceux qui se sont immolés sur l’autel de la BCE ont été battus, en particulier Bersani (Vendola) et Monti, soit les mêmes que le Financial Times présentait comme les seuls artisans possibles d’un futur gouvernement…Instabilité…Nous sommes dans une situation à la grecque… avec Grillo à la place de Syriza ! Grillo est la seule réponse qui a convaincu. Une réponse vague, contradictoire, mais radicale, contre la crise et l’austérité. Il faudra du temps pour mieux évaluer Grillo. Elle se nourrit non seulement de la perte de confiance dans le PDL et dans la Ligue du Nord, mais elle pêche aussi dans le PD et dans la gauche plus radicale, balayée, peut-être définitivement… Une réponse multiple, qui associe la petite bourgeoisie, des jeunes en état de précarité et des secteurs de l’intelligentsia (le Prix Nobel Dario Fo est venu à Milan soutenir Grillo…). Un regroupement qui propose d’abolir la dette et les taxes foncières mais aussi soutient la petite et moyenne entreprise.Pour le moment il y a impossibilité totale de gouverner. Il est difficile d’imaginer une grande coalition Berlusconi-Bersani depuis que Monti a pratiquement disparu de la scène. L’hypothèse d’une alliance entre le PD et Grillo est très compliquée. Une situation de grande instabilité qui se reflète déjà sur la Bourse qui a ouvert à moins 5 % au lendemain des élections. Par contre, la vieille gauche est morte. Les restes du PRC, le Pdci, les Verts et aussi le populisme de gauche de l’ex-magistrat Di Pietro, unis dans la liste « Révolution Civile » dirigée par Antonio Ingroia (magistrat anti-mafia à Palerme) ont obtenu à peine 2,2 %.… et reconstructionNous sommes à la fin, politiquement et idéologiquement, du vieux mouvement ouvrier. Un fait qui vient d’être grandement confirmé par ces élections. La période qui s’ouvre semble donc totalement instable, et dépendra des choix du « mouvement des 5 étoiles ». Il faudra regarder dans quelle voie s’engagera le mouvement de Grillo parce qu’il devient un acteur important. Il va servir de « filet de mouvement » afin d’unifier les résistances, pour amorcer ce « tsunami social » dont on ressent l’urgence.Mais Grillo nous montre que la résistance ne suffit pas, qu’il faut avoir une proposition convaincante, savoir offrir de l’espoir. La voie de la reconstruction exigera de faire des expériences intelligentes, audacieuses, courageuses. Plus que tout, il faudra une nouvelle génération politique. Assez des improvisations, des réitérations du passé, de la nostalgie des petits partis. Nous sommes devant un champ ouvert, et cette fois nous y sommes vraiment.De Rome, Salvatore Canavo (Sinistra critica)