Publié le Mercredi 30 septembre 2020 à 11h35.

Italie : un pays toujours plus gris

Comme c’était prévisible, le résultat du référendum constitutionnel sur la réduction du nombre des parlementaires a été clair et net : 70 % de oui, 30 % de non. Cette modification constitutionnelle est une véritable escroquerie.

Présentée sous l’étiquette de « coupes dans la vie politique » elle ne se propose absolument pas de limiter les privilèges des parlementaires : elle a pour but de réduire encore plus la représentation politique démocratique, y compris celle, territoriale, des régions les plus petites, et de rendre quasiment impossible, pour les classes travailleuses, de disposer de quelque représentation que ce soit dans les institutions, en défense de leurs intérêts.

Contre la « caste » ?

Ce qui a gagné, c’est le projet que le Parlement, à une forte majorité, avait déjà approuvé en 2019 et que seule une poignée de sénateurs avait bloqué en demandant un référendum « confirmatoire ». Voilà pourquoi on en était arrivé à cette situation paradoxale que la loi proposée – en théorie – pour porter un coup mortel à la « caste politique », avait été approuvée unanimement par cette « caste » elle-même. Pendant les semaines qui ont précédé le référendum, quelques secteurs bourgeois un peu plus ouverts, des regroupements de forces sociales et démocratiques d’extrême gauche, ont défendu le vote pour le Non, position représentée finalement aussi par l’important quotidien bourgeois La Repubblica. Des membres de la droite ont eux aussi, selon des motivations diverses, visant à mettre le gouvernement en difficulté, appelé à voter Non.

Il est donc difficile d’interpréter ces 30 % de Non, fruit de composantes diverses ; c’est malgré tout un résultat intéressant face au consensus quasi total des partis officiels pour le Oui (du Parti démocrate au Mouvement 5 Étoiles, en passant par la Ligue et les Fratelli d’Italia). Le Non s’est concentré dans les grands centres urbains du centre-nord et à Rome (avec des pics à 40 %), alors que dans les banlieues des mêmes villes du nord et dans les villes du sud (où se concentre le vote populaire même si c’est avec des significations contradictoires), c’est le Oui qui a gagné.

Élections régionales : le triomphe du statu-quo

Simultanément, les élections régionales ont freiné la montée redoutée de l’extrême droite (mais pas dans les Marches, région historiquement « rouge » qui sera dirigée à partir de maintenant par un président d’extrême droite) confirmant la situation antérieure au vote – et au coronavirus. Enfin, il n’y a pas eu de vote protestataire contre la gestion gouvernementale de la crise de la pandémie. Le vrai vainqueur de ces élections (même si paradoxalement il perd un peu de voix), c’est le Parti démocrate, qui en sort renforcé au sein de l’alliance gouvernementale avec le Mouvement 5 Étoiles qui, lui, subit au contraire une chute plutôt sérieuse. Il faudrait comprendre aussi à quoi servira ce changement de rapport de forces à l’intérieur du gouvernement ; il n’en sortira probablement rien de particulièrement bon pour les travailleurEs ni pour les droits démocratiques, malgré les premiers bruits qui courent. La plupart des dirigeants, autant ceux de la droite que ceux du Parti démocrate, ont été confirmés, eux qui ont soigneusement construit leurs stratégies politiques sur leur image personnelle, avec parfois, aussi, des traits quelque peu despotiques : de la Campanie à la Vénétie, des Pouilles à la Ligurie, ces satrapes modernes ont été réélus (dans certains cas avec des majorités à la bulgare). C’est un symptôme de plus, s’il en était besoin, du tournant autoritaire et aussi culturel, en cours depuis des années en Italie.

Les forces de la gauche de classe, qui se présentaient, dans la plupart des cas, divisées à ces élections (quelques-unes même parfois alliées au centre gauche) ne dépassent pas, dans l’ensemble, les 2 ou 3 %, à l’exception de la Toscane et des Marches où elles ont fait, globalement, autour de 5 %. Ce résultat n’est pas seulement dû à la faiblesse des forces en jeu et à leurs erreurs, mais aussi à l’absence de mouvements sociaux et de résistance, capables de favoriser y ­compris une poussée électorale.

Traduction Bernard Chamayou