Le gouvernement « du changement » vient de promulguer un ensemble de mesures (le « décret-loi Salvini ») qui mêle lois racistes et aggravation du code Rocco (les lois policières du temps du fascisme).
La presse mainstream pointe à juste titre les nouvelles mesures contre les personnes migrantes, mais le texte vise aussi à criminaliser la contestation, entre autres les barrages routiers – pratique typique des mouvements sociaux – en les assimilant à des prises d’otages, et il aggrave les peines encourues par tout occupant de maison ou de lieu. Ces mesures sont dans la continuité des politiques du gouvernement précédent, dirigé par la Parti démocrate. Tout « occupant » risque jusqu’à deux ans de réclusion ou une amende de 103 à 1 032 euros. Peine doublée « pour les instigateurs et les organisateurs de l’occupation, et pour ceux qui l’ont faite en étant armés ». Cette mesure satisfait les demandes des responsables de la logistique, seul secteur où un syndicalisme alternatif et un prolétariat métissé (comme celui qui est à l’origine des occupations pour le droit au logement) ont réussi à arracher de nouvelles conquêtes.
Hégémonie de la Ligue
Le Conseil des ministres a voté cet ensemble de mesures à l’unanimité, en prenant acte de l’hégémonie de sa minorité, la Ligue de Salvini (qui a eu deux fois moins de voix que le Mouvement 5 étoiles aux dernières élections), dans une équipe ministérielle qui cherche à se distinguer par le racisme et l’autoritarisme. Les restrictions du système d’accueil excluent les demandeurEs d’asile du système de protection (SPRAR), qui sera limité à ceux qui sont déjà titulaires d’une protection internationale ou aux mineurEs étrangers non accompagnés. Une mesure non constitutionnelle prévoit le rapatriement des demandeurEs d’asile qui ont été condamnés en première instance. Le démantèlement substantiel du système de protection rend encore plus problématique l’insertion et la vie en commun.
Pendant ces quatre dernières années, 90 % de ceux qui ont débarqué en Italie ont survécu à de très graves traumatismes dans leur pays d’origine et tout au long du parcours migratoire (en particulier en Libye) : tortures, travaux forcés et pratiques abusives très graves. Dans les centres d’accueil d’urgence, le repérage utile de personnes ayant des problèmes physiques et psychiques sera toujours plus difficile, avec des retombées négatives sur la santé publique, les dépenses de santé et l’intégration. Le décret-loi prévoit que les demandeurEs d’asile ne pourront pas être inscrits sur le registre de l’état civil et ne pourront pas être considérés comme des résidentEs.
Alarmants dispositifs antimigrantEs
Selon les associations antiracistes et des juristes soucieux de démocratie, la nouvelle réglementation de l’immigration présente des aspects alarmants de non-constitutionnalité. La suppression des permis de séjour pour des motifs humanitaires vise à réduire leur nombre et elle aura les effets typiques de toute interdiction : alimenter les mafias par l’accroissement d’une population sans droits, proie facile pour le travail esclavagiste et criminel. Avec le doublement, de 90 à 180 jours, de la durée de la rétention dans les Centres de permanence pour le rapatriement ou dans des lieux de « mise à la disposition de l’autorité de sécurité publique », on crée un circuit carcéral hors système sur lequel il sera impossible d’exercer un contrôle du respect des droits humains.
Les casernes et les prisons sont des lieux de brutalité policière, dans un pays qui n’a pas de véritable loi contre la torture. La police municipale des communes de plus de 100 000 habitantEs peut être dotée de tasers. L’armement des policiers municipaux est le passage obligé pour transformer en problématique d’ordre public toute question liée aux conflits sociaux, y compris les conflits « horizontaux » (résidentEs contre étudiantEs dans les quartiers où la vie nocturne est importante, étrangerEs contre natifEs dans les banlieues, etc.) et, plus généralement, pour mener la guerre aux pauvres. Le pistolet taser, considéré comme un instrument de torture, vient aussi d’être fourni aux préfectures de police dans onze villes.
On note aussi un développement du « Daspo » (acronyme de Divieto di Accedere alle manifestazioni Sportive, « interdiction d’accéder aux manifestations sportives »), étendu à d’autres lieux de la ville : les interdictions s’appliquent « aux installations sanitaires et aux zones destinées à la tenue de foires, marchés et spectacles publics dans la liste des lieux qui peuvent être caractérisés comme tels par le règlement de police urbaine ». Une vraie guerre aux pauvres…
De Rome, Checchino Antonini, directeur de l’Anticapitalista. Traduction Bernard Chamayou.