Retour sur la bataille juridique en cours pour l’avortement aux États-Unis.
Cette année, quatre États ont voté l’interdiction de l’avortement à partir de 6 semaines de gestation, avec ou sans exception en cas de viol ou d’inceste : le Kentucky, le Mississippi, l’Ohio et la Géorgie. Le 14 mai, l’Alabama votait carrément l’interdiction nette de l’IVG sauf en cas d’urgence vitale pour la mère ou d’anomalie létale du fœtus. Certains États avaient déjà voté par le passé de telles interdictions, mais depuis le début de l’année 2019, les anti-IVG mènent une offensive sans précédent avec plus 250 propositions de loi déposées un peu partout.Comment expliquer cette soudaine offensive ?
Des lois pour le moment ineffectives, mais…
En 1973, la Cour Suprême rend un arrêt fondateur pour le droit à disposer librement de son corps, appelé Roe vsWade, protégeant le droit à l’avortement jusqu’à 24 semaines, soit le moment où le fœtus devient théoriquement« viable ». Ainsi, même si une loi anti-IVG passe au niveau d’un État, une plainte dans un tribunal fédéral doit suffire à la rendre ineffective, puisqu’elle rentre en contradiction avec la décision de la Cour suprême et que les tribunaux sont tenus de la suivre. Sauf que… le droit n’étant pas un arbitre neutre au-dessus du monde social, les choses ne sont malheureusement pas si simples, et l’avenir s’assombrit à mesure que les conservateurs gagnent du terrain tant idéologique qu’électoral.
Pour que la Cour suprême réévalue Roe, il faut d’abord remettre l’avortement au centre du débat national et, si possible, que des cours intermédiaires tranchent en faveur des lois anti-IVG malgré Roe. C’est pourquoi les pro-life multiplient les propositions de lois.
Mais pour cela, il faudrait des juges qui soient prêts à le faire. Or, deuxième point important, depuis l’arrivée de Trump au pouvoir, le rapport de force dans les tribunaux évolue avec une présence de plus en plus grande de juges pro-life . Surtout, Trump a récemment nommé 2 juges (sur 9) à la Cour suprême radicalement anti-IVG, bouleversant l’équilibre interne. Tout repose maintenant sur un juge républicain qui est pro-lifemais pour la stabilité juridique, et s’est ainsi pour le moment prononcé contre la remise en cause de Roe.
Bataille autour de la définition de la vie humaine
Enfin, il faudrait un nouvel argumentaire sur lequel cette nouvelle décision de justice pourrait se baser. D’où l’importance de l’introduction dans les propositions de loi des élaborations éthiques autour de la vie humaine. Deux victoires importantes sur ce terrain ont été gagnées par les pro-life.
D’une part, la généralisation du modèle de loi basé sur l’interdiction de l’IVG (« Heartbeat Bill ») à partir de l’apparition du « battement de coeur du fœtus » vers 6 semaines. Les pro-life s’appuient désormais sur l’idée que la vie humaine apparaîtrait à ce moment-là. Dans les faits, il s’agit d’une vibration des tissus, et à ce stade l’embryon n’a ni cerveau, ni moelle épinière, ni visage…
D’autre part, la reconnaissance dans certaines lois du fœtus comme d’une « personne naturelle » ayant des droits. Conséquence directe : l’avortement devient un assassinat. Alors que, jusqu’à présent les lois, n’avaient pas passé de mesure condamnant les auto-avortements, désormais on pourrait être poursuivie pour meurtre avec préméditation si on auto-avorte, si on se rend dans un État voisin où l’IVG est légal, et les États pourraient même mener des enquêtes sur les fausses couches pour savoir s’il s’agit d’une « vraie » fausse couche ou d’une IVG masquée (sachant que près d’une grossesse sur quatre débouche, en moyenne, sur une fausse couche)…
La bataille est en cours, apportons notre solidarité internationaliste et féministe par tous les moyens possibles et battons-nous ici pour préserver nos droits ! Mon corps, mon choix !