La crise de représentation politique des exploitéEs est générale, mondiale, mais elle a toujours été particulièrement aiguë aux États-Unis...
Les travailleurs n’ont jamais pu compter sur un parti propre de quelque envergure, le mouvement ouvrier étant – et restant – encadré par le Parti démocrate, l’une des deux expressions historiques de la bourgeoisie impérialiste. Ce parti a connu à plusieurs reprises des courants et candidats de gauche, mais ceux-ci restaient contrôlés par un appareil qui les neutralisait et qui réabsorbait la radicalité qu’ils pouvaient porter.
C’est encore une fois ce qui s’est produit avec Bernie Sanders, qui au nom du « moindre mal » s’est rallié à Hillary Clinton, celle-là même qu’il dénonçait pourtant comme la candidate des 1 %. D’où l’importance de la candidature nationale (dans tous les États) de Jill Stein, présentée par le Parti vert et soutenue, entre autres, par des organisations révolutionnaires telles que Solidarity, l’International Socialist Organization ou le groupe Socialist Alternative de la conseillère de Seattle, Kshama Sawant.
Les Verts étatsuniens n’ont pas grand-chose à voir avec les formations de même nom ailleurs dans le monde (à l’exception peut-être de l’Angleterre et de l’Écosse). Ils ont connu une évolution sensible vers la gauche, affirment désormais défendre les intérêts du monde du travail et, ce qui est spécialement important dans ce pays, sont profondément anti-impérialistes.
Un point d’appui pour développer les luttes
Lors de sa convention nationale du début août, le Parti vert a abandonné son objectif insolite et vétuste d’un capitalisme participatif de petits propriétaires, pour le remplacer dans son programme de principes par celui d’un « système économique alternatif » fondé sur « la démocratie des lieux de travail et des localités ». Aux États-Unis, c’est quelque chose de radical. Rappelons-nous que Sanders se définit comme un socialiste « sur le modèle scandinave ». De plus, Jill Stein se présente en opposition au système bipartite Démocrate-Républicain, décrit comme étant au service des banques et des grandes entreprises, et dénonce le piège du « moindre mal ».
Son programme reprend les principaux objectifs de la campagne de Sanders (avec le salaire minimum à 15 dollars de l’heure, la création d’un système fédéral de sécurité sociale universelle et gratuite, l’imposition des riches, l’annulation des dettes étudiantes…), mais va plus loin en proposant de sortir totalement des énergies fossiles d’ici à 2030, l’interdiction de la fracturation hydraulique, une baisse immédiate de moitié des dépenses militaires et la fin de toutes les opérations militaires extérieures. De même, sa campagne revendique le mouvement Black Lives Matter, auquel participe d’ailleurs une série de membres et responsables du parti.
Jill Stein ne réalisera sans doute pas un score considérable (les sondages lui donnent en moyenne 2 % des voix), d’autant que la « menace Trump » semble ressurgir à quelques jours du vote. Mais cette campagne indépendante, qui polarise un nombre significatif d’anciens militants pro-Sanders, est un point d’appui pour développer les luttes qui dans tous les cas, que ce soit face à une présidence Clinton ou Trump, seront indispensables.
Jean-Philippe Divès