L’administration US ne peut pas se permettre d’exclure des discussions concernant la distribution du vaccin contre le Covid-19 la moitié des salariéEs de l’industrie agroalimentaire parce qu’ils ne sont pas autorisés à travailler légalement dans ce pays.
Dix millions et demi d’immigrantEs n’ont pas l’autorisation de travailler légalement aux États-Unis, auxquels s’ajoutent 2,2 millions d’autres migrantEs qui bénéficient seulement d’un statut temporaire. Selon le département de l’Agriculture, le travail des immigrantEs sans papiers s’exerce dans des secteurs parmi les plus cruciaux pour l’approvisionnement alimentaire du pays. Ce sont ces personnes qui travaillent dans les fermes où elles cueillent et emballent fruits et légumes et dans les usines qui conditionnent la viande. Ces salariéEs représentent plus de 9 % de l’industrie de la restauration rapide.
Se faire vacciner au risque d’être expulsés
Les Centers for Disease Control and Prevention (CDC)1 ont présenté un plan complet de distribution de vaccins. Les travailleurEs de la santé sont en première ligne, viennent ensuite les personnes âgées de 65 ans et plus, et celles que leurs problèmes de santé rendent vulnérables au Covid-19. Enfin, vient la troisième ligne des travailleurEs essentiels des secteurs de l’éducation, de l’alimentation et de l’agriculture, les services publics, la police, les pompiers, les agents des services pénitentiaires puis les salariéEs de l’industrie des transports.
Un groupe de troisième ligne, travaillant dans l’agroalimentaire, a pourtant été complètement exclu de la stratégie vaccinale, il s’agit de celui des immigréEs dépourvus de statut légal. Le CDC n’a aucunement pris en compte le fait que la moitié des employéEs de l’industrie agroalimentaire, qu’il a pourtant priorisés, n’ont pas l’autorisation de travailler dans ce pays.
Or le CDC exige de connaître les noms, dates de naissance, adresses et origines ethniques de toutes les personnes qui sont vaccinées. Le tout à un moment où les migrantEs ont dû affronter une des administrations les plus haineuses et les plus hostiles auxquelles ils et elles ont jamais été confrontés. Les travailleurEs sans statut légal sont astreints à choisir entre un vaccin qui pourrait sauver leur vie et l’approvisionnement alimentaire du pays, ou risquer l’expulsion immédiate et le malheur de leur famille.
Que feront Biden et Harris ?
En raison de l’importance de leur travail et de son impact crucial pour tous les ÉtatsunienEs, leur condition d’étranger ne doit pas être prise en compte dans la distribution des vaccins. Ils doivent bénéficier de la même priorité que leurs collègues de l’industrie agroalimentaire. Exiger la divulgation de leurs informations personnelles équivaut quasiment à exclure la communauté immigrée de la distribution des vaccins.
L’administration Biden-Harris aurait une réelle opportunité de changer en profondeur – et non pas superficiellement – la façon dont ce pays nous traite touTEs, y compris les immigrantEs, une communauté cruellement privée de représentation. Elle devrait commencer par mettre en place, à l’intention des travailleurEs sans papiers, une autorisation particulière de vaccination prioritaire contre le Covid-19 en raison de leur travail dont le CDC reconnaît déjà l’importance cruciale. Elle devrait exiger des CDC que les données personnelles des travailleurEs prioritaires dans les industries clés soient confidentielles et veiller à ce qu’ils et elles reçoivent ce vaccin sans crainte d’être expulsés.
Article publié sur The Intercept. Version intégrale (en français) sur alencontre.org.
- 1. Centres pour le contrôle et la prévention des maladies, agence fédérale en charge des questions de santé publique.