Il existe un risque important que le Sud Soudan plonge de nouveau dans un conflit généralisé qui s’ajouterait à une crise financière majeure.
En se séparant du Soudan pour devenir un État indépendant en 2011, le Sud Soudan n’a connu qu’une succession de conflits. Le plus meurtrier est la guerre civile de 2013 qui a causé la mort de 400 000 personnes, le déplacement de quatre millions de réfugiéEs.
Un accord de paix fut signé en 2018 entre le président de la République Salva Kiir appartenant à la communauté Dinka, et son vice-président Riek Machar à celle des Nuer.
La fin de l’accord de paix
Cet accord de paix prévoyait notamment l’unification des différentes milices dans une armée nationale, la mise en place d’une élection présidentielle et la collégialité dans la gouvernance du pays. Aucun de ces engagements n’a été honoré. Les conflits entre la présidence et la vice-présidence n’ont eu de cesse d’augmenter jusqu’à l’épisode sanglant dans l’État du Haut Nil.
Le mois dernier l’armée blanche, une milice Nuer, a envahi la base militaire de Nasir, de peur que la garnison militaire présente soit remplacée par des membres de communautés leur étant hostiles. La présidence a réagi en envoyant l’aviation bombarder la ville, provoquant ainsi de nombreuses victimes civiles. La violence s’est étendue dans le pays entre les forces du Sudan People’s Liberation Movement (SPLM) favorable au président Kiir et le SPLM-IO (In Opposition) dirigé par Machar. Ce dernier ainsi que plusieurs de ses compagnons ont été arrêtés, accusés d’avoir fomenté l’attaque de Nasir.
Une crise aux multiples facettes
Les deux dirigeants cultivent le conflit entre Dinka et Nuer, ces deux populations sont essentiellement pastorales et sont souvent en compétition pour l’accès à l’eau et aux pâturages. Les Dinka se sentent dépositaires de l’indépendance du pays en raison de leur lutte, contrairement aux Nuer qui dans certaines périodes ont tissé des alliances avec les forces soudanaises. Pour Kiir et Machar l’enjeu principal reste la lutte pour le pouvoir et la captation des richesses de l’État.
Salva Kiir a développé une politique clientéliste largement financée par la production du pétrole. Avec la guerre au Soudan, l’oléoduc convoyant l’or noir a été détruit, tarissant du même coup la principale source du budget du pays, entraînant une crise politique à l’intérieur du camp présidentiel. Une crise favorisée par la santé défaillante du président encourageant les velléités pour sa succession, bien que Salva Kiir ait choisi son conseiller financier en la personne de l’homme d’affaires Benjamin Bol Mel.
Si le SPLM IO s’est affaibli, cela n’exclut nullement la reprise d’un conflit généralisé dans le pays où de nombreuses milices se sont créées, avec un risque de connexion avec un autre conflit, celui qui déchire le Soudan.
Cette situation accroît la pauvreté multidimensionnelle. En 2024, 92,6 % de la population était privée d’éducation, d’accès aux services de base, de logement décent contre 84 % en 2023. Avec les risques de guerre, cette détérioration ne pourra que s’amplifier.
Paul Martial