La déportation brutale de sept militantEs particulièrement engagéEs de la CCAT (Cellule de coordination de l’action de terrain) avait pour objectif de frapper les esprits et de tenter d’accélérer la levée des barrages. C’est pourtant l’inverse qui s’est produit.
Dès l’annonce le 23 juin, dans la nuit et la journée de lundi, des manifestations de jeunes ont débouché sur des confrontations avec les forces de l’ordre françaises dans le Grand Nouméa. L’accès à l’hôpital a été de nouveau fermé et la route du nord coupée de barrages. Surtout la mobilisation a gagné du terrain dans la province du Nord et les îles Loyauté où la population kanak est très majoritaire et n’avait donc pas éprouvé jusqu’ici le besoin d’établir de la conflictualité face aux représentants de la France. Cette réaction est à la hauteur du niveau et des sous-textes de la répression abattue par le gouvernement français.
La perspective décoloniale liquidée
Macron, Darmanin et Dupond-Moretti ont déchiré les accords de Matignon et de Nouméa imposés par une décennie de luttes (1979-1988) que le peuple kanak a payées du prix du sang pour gagner la reconnaissance par l’ONU de la Nouvelle-Calédonie parmi les territoires à décoloniser. Cette loi sur le dégel du corps électoral avait pour objectif clairement revendiqué par les représentants à Nouméa du gouvernement français (Louis Le Franc, Nicolas Metzdorf, Sonia Backès) de liquider définitivement la perspective décoloniale.
La CCAT a construit pendant des mois une campagne de terrain auprès de la population de Kanaky-Nouvelle-Calédonie pour peser sur le débat politique et faire respecter une réalité incontournable, avec des mobilisations pacifiques massives. Le référendum de « référence » du gouvernement de décembre 2021 a refusé l’indépendance à 96,49 % mais avec une participation de 43,90 % puisque les organisations indépendantistes appelaient au boycott pour non-respect du deuil coutumier de la communauté kanak, particulièrement frappée par la vague de covid.
Passage en force du gouvernement
Même en triturant les chiffres, personne ne peut prétendre que cela représente une majorité réelle, qui plus est en silenciant les premiers concernéEs. Alors la tentative de passage en force gouvernemental a provoqué une réaction d’autant plus explosive que ce même gouvernement français utilise tous les leviers possibles pour disqualifier les institutions calédoniennes gérées par les indépendantistes.
Alors que la crise économique a provoqué, depuis le Covid, un chômage de longue durée (particulièrement dans la jeunesse), le gouvernement français a appliqué un traitement d’exception au territoire : toutes les aides publiques versées aux collectivités territoriales ont été transformées en subventions, sauf pour la Nouvelle-Calédonie. Les collectivités et en particulier le gouvernement à majorité indépendantiste endetté est donc menacé de cessation de paiement, alors que c’est lui qui prend en charge les aides à la population (1 personne sur 5 en dessous du seuil de pauvreté).
Et maintenant la déportation !
Face à la colère de la rue, il ne reste au gouvernement que la répression. Le Haut-Commissariat (représentant de l’État français à Nouméa) annonce 1 493 interpellations depuis le 13 mai (essentiellement indépendantistes, puisque même les meurtriers identifiés de jeunes Kanak ne sont pas emprisonnés mais uniquement sous contrôle judiciaire !), dont 38 pour la seule journée du lundi 24 juin.
Des rassemblements ont eu lieu ou sont prévus, à Paris dimanche dernier à proximité du ministère de la Justice, et lundi 24 à Mulhouse pour Christian Tein, à Dijon pour Brenda Wanabo Ipeze, à Riom pour Frederique Muliava, à Bourges pour Guillaume Vama, à Blois pour Steeve Unë, à Nevers pour Yewa Waetheane, à Villefranche-sur-Saône pour Dimitri Genegei. Il y a urgence à construire la solidarité ici avec le peuple kanak et en particulier avec les prisonnierEs déportéEs !
Pour signer la pétition : NON à la justice coloniale et à la répression en Kanaky/Nouvelle-Calédonie