Publié le Jeudi 17 juin 2021 à 12h00.

La vice-présidente US Kamala Harris met en colère les progressistes

Le président Biden a choisi sa vice-présidente, Kamala Harris, pour s’occuper de la question de l’immigration. Elle a promis de s’attaquer aux causes profondes des migrations en provenance du « Triangle du Nord » (Guatemala, Salvador et Honduras) qui sont la pauvreté et les violences de la région. Mais elle a choqué et mis en colère les progressistes avec son message.

S’exprimant au Guatemala, Harris a déclaré : « Je veux être claire avec les gens de cette région qui envisagent de faire ce voyage dangereux jusqu’à la frontière entre les États-Unis et le Mexique : ne venez pas. Ne venez pas. » Ce qui a rendu la déclaration si choquante, c’est qu’elle contredit à la fois le droit étatsunien et le droit international, qui défendent le droit des immigrantEs à venir à la frontière US pour demander l’asile. Et les progressistes trouvent que ce discours ne semble pas plus accueillant pour les immigrantEs que ne l’était le président Donald Trump.

Critiques de la gauche démocrate

En mai, 180 000 immigrantEs sans papiers sont entrés aux États-Unis, et presque touTEs ont été expulsés vers le Mexique, bien que beaucoup d’entre elles et eux soient venus d’Amérique centrale, d’Amérique du Sud, d’Europe et d’Asie. Environ 4 000 enfants non accompagnés ont dû être acceptés et hébergés dans des établissements surpeuplés. TouTEs fuient la pandémie, les gangs criminels et, pour les femmes, la violence domestique.

La députée à la Chambre des représentants Rashida Tlaib a qualifié l’approche de Harris comme « Rester là et mourir ». Alexandria Ocasio-Cortez (AOC – autre élue de la gauche démocrate) a immédiatement répondu à Kamala Harris : « C’est décevant. Premièrement, demander l’asile à n’importe quelle frontière américaine est une méthode d’arrivée 100 % légale. Deuxièmement, les États-Unis ont passé des décennies à contribuer à des changements de régime et à la déstabilisation en Amérique latine. Nous ne pouvons pas mettre le feu à la maison de quelqu’un et ensuite lui reprocher de s’en être enfui. »

AOC se réfère, bien sûr, aux interventions politiques et militaires des États-Unis dans les pays d’Amérique centrale pendant la présidence de Ronald Reagan tout au long des années 1980. De véritables guerres ont fait des centaines de milliers de morts et ont finalement amené au pouvoir des gouvernements de droite au Guatemala, au Honduras et au Salvador. Après ces affrontements et interventions, les gouvernements de ces pays sont devenus de plus en plus corrompus, tandis que des gangs criminels et violents de trafiquants de drogue font des ravages. Les États-Unis ont fait obstacle aux réformes pouvant améliorer la vie des peuples. Lorsque le peuple hondurien a élu le président progressiste Manuel Zelaya, le président Barack Obama et la secrétaire d’État Hillary Clinton ont soutenu un coup d’État militaire en 2009 qui l’a renversé.

300 millions de dollars d’aide 

Harris a choisi de se rendre au Guatemala parce que le président du Honduras est considéré comme lié au trafic de drogue par des procureurs fédéraux américains, tandis que le président du Salvador est un autocrate qui a récemment limogé le procureur général du pays et cinq juges de la Cour suprême. Harris s’est prononcée fermement contre la corruption dans la région, mais son partenaire, le Guatemala, est lui-même en proie à des problèmes similaires. Human Rights Watch rapporte que « la violence et l’extorsion par de puissantes organisations criminelles restent de graves problèmes au Guatemala », avec des personnalités politiques puissantes assurant l’impunité. « La violence liée aux gangs est un facteur important qui pousse les gens, y compris les enfants et les jeunes adultes non accompagnés, à quitter le pays. » Et ce mois-ci, un consortium d’organisations de défense des droits humains a exigé que le Guatemala arrête la criminalisation des militantEs et des fonctionnaires qui défendent les droits humains.

Le plan de Harris pour réduire les migrations en provenance d’Amérique centrale repose sur une implication accrue des États-Unis. Elle a promis 300 millions de dollars d’aide à ces pays, une partie des 4 milliards de dollars promis par Biden au total, 1,4 milliard servant à renforcer la frontière. Elle a également annoncé qu’un groupe de douze sociétés et ONG US et étrangères avait promis d’investir dans la région. Les sociétés sont Mastercard, Microsoft, Chobani, Nespresso, Bancolombia, Davivienda (une autre banque colombienne) et Duolingo, tandis que les ONG sont Acción, Harvard T.H. Chan School of Public Health, Pro Mujer, Tent Partnership for Refugees et le Forum économique mondial. Il y a un mot démodé pour tout cela : impérialisme.

Traduction Henri Wilno