Publié le Mardi 1 novembre 2011 à 16h38.

L'assassinat de Thomas SANKARA

Le 28 mars 2006, Le Comité des droits de l’homme des Nations unies, chargé de veiller à la bonne application du Pacte sur les droits civils et politiques de 1966, a donné raison à MmeMariam Sankara et au Collectif  juridique international «Justice pour Sankara». Les plaignants contestaient les entraves mises par les autorités du Burkina Faso à toute enquête ou procès tendant à éclaircir les circonstances de la mort du président Thomas Sankara en octobre 1987 d’après les autorités de mort naturelle.

De nombreux témoignages, souvent en provenance d’anciens compagnons de Charles Taylor, mettent en cause Blaise Compaoré dans l’assassinat de Thomas Sankara, avec la complicité d’Houphouët Boigny, mais aussi de la France, de la CIA et d’autres personnalités africaines. Le dossier est certes brûlant, d’autant plus que Blaise Compaoré, le principal accusé a pris un rôle nouveau en Afrique et est devenu un véritable poids lourd dans cette partie ouest africaine, capable de déstabiliser certains pays limitrophes du Burkina Faso comme la Côte d’Ivoire et le Libéria par exemple. C’est peut être pour cette raison que le 21 avril 2008, le comité des droits de l’homme de l’ONU, en contradiction totale avec la décision précédente a clos le dossier sans qu’une enquête n’ait été diligentée. Cette décision ne fait pas honneur à cette institution qui ne porte certainement pas dans son cœur cet homme impétueux qu’était Thomas Sankara qui refusait l’aide aux développement et ne ratait pas une occasion de vilipender le FMI ( Fond Monétaire Internationale) et la Banque mondiale.

Le véritable crime du Che africain fut certainement d’avoir décidé de ne compter que sur les propres forces de son petit pays, et de couper l’herbe sous les pieds de l’impérialisme. A cela s’ajoute le véritable crime de lèse majesté le 17 novembre 1986 lors de la réception officielle de François Mitterrand au Palais Présidentielle du Burkina Faso. Le bouillonnant capitaine se lance dans une diatribe enflammée pour dénoncer pêle-mêle le néocolonialisme, les rapports Nord-Sud, l'aide - « un calvaire et un supplice pour les peuples » - ou encore l'attitude de la France, si prompte à défendre les droits de l'homme mais qui n'hésite pas à accueillir des responsables sud-africains qui la « tachent de leurs mains et de leurs pieds couverts de sang ». L'audace certes peu protocolaire fait mouche. Froissé d'être ainsi placé face à ses propres contradictions, le chef de l'État français réplique dans un échange assez houleux où la causticité du vieux lion Mitterrand répond à l'impertinence et à l'ironie du jeune loup Sankara. De plus, certains présidents africains comme Kadhafi et Houphouët Boigny craignaient que ce jeune révolutionnaire prenne des galons et leur fasse de l’ombre, l’un certainement par peur d’être dépossédé de son statut de révolutionnaire africain qu’il ne cesse de cultiver, l’autre par crainte pour son pays la Côte d’Ivoire. Sankara, qui refusait par ailleurs que son pays serve de base arrière pour les rebelles du Libéria était un frein au projet de déstabilisation de la sous-région. Cela fait beaucoup d’ennemis en même temps.

Le 15 octobre 1987, 3 ans après la révolution du 4 août 1983 qui l’avait porté au pouvoir, Thomas Sankara est assassiné par un commando envoyé par son meilleur ami Blaise Compaoré mais certains témoignages affirment qu’il a été tué des propres mains de ce dernier. Il semble par ailleurs que le projet d’assassinat se soit préparé bien avant en Côte d’Ivoire avec le soutien de Kadhafi , de François Mitterrand et d’Houphouët Boigny. Certains affirment que des Libériens envoyés par Taylor faisaient partie du commando. Thomas Isidore Noël Sankara aura permis de poser les bases d’une révolution intègre et africaine, il définissait son programme comme anti impérialiste et permit la réduction du train de vie du gouvernement, la suppression de la chefferie traditionnelle, la lutte contre l’analphabétisme et la promotions de l’égalité homme-femme dans cette société très inégalitaire qu’était l’ex Haute Volta. Aujourd’hui, si le Burkina Faso est considéré comme le bon élève du FMI, les mesures prises par Thomas Sankara y sont pour beaucoup et c’est celui qui l’a assassiné qui en a récolté les lauriers.

En ces temps de révolutions portées partout en Afrique par sa jeunesse qui «refuse désormais de mourir de faim, de soif et d’ignorance», le message de Thomas reste vivace. Il disait: «Notre solidarité militante ira à l’endroit des mouvements de libération nationale qui combattent pour l’Indépendance de leur pays et la libération de leur peuple». Dans chaque forum international, à chaque tribune internationale qui lui était offerte, Thomas Sankara s’est fait le chantre des opprimés et pas seulement de l’Afrique. Il nous faut à présent continuer la lutte pour une justice pour Thomas Sankara, une justice qui sera aussi celle de tous les révolutionnaires du monde et surtout de la jeunesse africaine.

Moulzo