Publié le Mercredi 27 janvier 2021 à 10h08.

Les limites du plan de Biden pour « redresser » la politique étrangère

Joe Biden veut établir un contraste marqué avec Trump, mais leurs politiques étrangères partagent des hypothèses similaires, en particulier celle de considérer à l’avenir la Chine comme le principal concurrent des États-Unis, économiquement et militairement.

Trump a essayé de faire pression sur la Chine avec ses politiques tarifaires à la noix – des politiques que Biden a déclaré qu’il conserverait. Biden reconditionne la position agressive de Trump contre la Chine avec une rhétorique sur le multilatéralisme (par exemple, le « front uni » avec l’UE) et la politique industrielle (« Build Back Better »). Comme chaque président des États-Unis qui s’engage à fournir à l’armée « tout le soutien dont elle a besoin », Biden a déjà laissé entendre qu’il serait prêt à augmenter le budget du Pentagone par rapport aux niveaux déjà obscènes de Trump.

« America is back »

Du point de vue « soft power » étatsunien, quelle est la différence entre « l’Amérique d’abord» de Trump et « l’Amérique devrait être le leader mondial » de Biden ? Entre « Make America great again » et « America is back » ?

Sachant que de nombreux membres de l’administration Biden sont des faucons libéraux et qu’ils cherchent à repousser la Chine et la Russie, il est possible que l’administration Biden fasse un faux pas conduisant à une guerre. De plus, comme l’a souligné le journaliste anticapitaliste uruguayen Raúl Zibechi, l’administration Biden pourrait aussi être plus disposée que Trump à déclencher des « révolutions de couleur » pour s’assurer de l’existence de gouvernements pro-américains en Amérique latine.

Biden adoptera une position moins antagonique face aux alliés américains que ne l’était Trump. Et l’administration parlera plus ouvertement des problèmes mondiaux tels que la pandémie et le changement climatique. Mais on peut se demander si cette administration sera capable d’apporter des changements substantiels dans ces domaines, même si leurs approches néo­libérales pourraient fonctionner. Les politiques qui nécessitent un soutien massif du Congrès risquent de ne mener nulle part. Joe Biden aura du mal à rétablir l’accord nucléaire avec l’Iran, d’autant plus qu’Israël et l’Arabie saoudite, les principaux alliés des États-Unis dans la région, saboteront ces efforts. De même, étant donné la façon dont les Démocrates ont perdu les élections en Floride du Sud [où résident près de 1,5 million d’exilés cubains] en novembre, Biden se retirera probablement de tout rapprochement avec Cuba.

La fin du règne chaotique de Trump ne changera pas le fait que bon nombre des sources d’« instabilité » mondiale auxquelles Trump était confronté seront présentes face à l’administration Biden. La pandémie continuera à faire des ravages dans le monde entier. Une crise mondiale des réfugiéEs se poursuivra. Et même si, comme prévu, l’économie mondiale se redresse, elle ne retrouvera pas les niveaux qu’elle a atteints en 2019 ou 2020 avant que la pandémie ne frappe de plein fouet. Avec autant de problèmes et de conflits internationaux potentiels, les « internationalistes » libéraux de l’administration Biden pourraient être tentés d’intervenir d’une manière que l’administration Trump n’aurait pas fait.
Les tâches des anti-impérialistes ne changeront pas avec le changement d’administration. Nous reconnaissons que l’administration Biden présente une façon différente de gérer l’empire américain que celle de Trump. Mais elle diffère davantage dans le style que dans le fond. Nous resterons au côté de ceux qui luttent contre la politique impériale des États-Unis, de la Palestine à l’Amérique centrale, et nous devrons résister – en particulier au sein des couches populaires – à toute tentative de déclencher une « guerre froide » contre la Chine.

Publié par International Socialism Project, le 19 janvier 2021 ; version intégrale (en français) sur alencontre.org