En visite en Afrique, Nicolas Sarkozy a déclaré vouloir « refonder une relation privilégiée avec l’Afrique ». Avec un discours rénové, la France, en compétition avec d’autres impérialismes, utilise plus que jamais les coups tordus militaires et politiques pour défendre ses intérêts. C’est une sorte de rituel, quand un président de la République fait un discours sur l’Afrique, c’est pour tourner la page de la Françafrique. Le voyage de Sarkozy au Gabon, Mali et Rwanda n’échappe pas à la règle puisqu’il y a annoncé, pour la troisième fois, la fin du pré carré et des réseaux africains. Cette annonce a été faite au Gabon, pays où Sarkozy a avalisé l’élection frauduleuse d’Ali Bongo, fils d’Omar Bongo, concoctée par Robert Bourgi, spécialiste élyséen des coups tordus sur le continent. Ali Bongo a demandé au président français d’aider les efforts d’un « Gabon émergeant ». Pourtant, la seule tentative, bien timide, de réforme a été reportée à la demande de Sarkozy, parce qu’elle écornait les profits des entreprises françaises de la filière du bois1. Durant ce voyage, il a été question de réformer les traités militaires entre la France et les pays africains et d’en supprimer les clauses secrètes. Cette réforme est de la poudre aux yeux. La France ne s’embarrasse pas de formalisme juridique pour intervenir au Tchad en défense du régime du « président à vie » Idriss Déby avec lequel il n’existe pas d’accord de défense. Inversement, en Côte d’Ivoire, où existent de tels accords, Paris s’est refusé à intervenir comme le lui demandait le président Gbagbo. Comme l’explique Raphaël Granvaud dans son livre Que fait l’armée Française en Afrique ?2, la France continue d’intervenir quand elle le veut et dans son seul intérêt. Pour affermir sa position, dans une Afrique qui devient un enjeu de concurrence avec d’autres impérialismes, la France a fait avaliser l’élection bidon de Sassou Nguesso, au Congo-Brazzaville, par son émissaire Toubon, chargé du sommet sur le cinquantenaire des indépendances des quatorze pays africains. Elle n’a pas hésité non plus à soutenir le coup d’État en Mauritanie, les manœuvres de Tandja au Niger qui vient de se faire renverser par son armée et elle continue à placer ses pions dans la crise malgache. Le dernier exemple est la pression exercée par Kouchner sur Bamako pour faire libérer quatre prisonniers en échange de Pierre Camatte, otage français d’Al-Qaïda au Maghreb islamique, obligeant le Mali a renier ses engagements régionaux, ce qui provoque une crise diplomatique avec la Mauritanie et l’Algérie. L’ultime étape au Rwanda a été consacrée à une réconciliation des deux pays en taisant la complicité de Paris dans le génocide des Tutsis. Le gouvernement français de l’époque, dont Sarkozy était porte-parole, a soutenu la fraction raciste des Hutus avant, pendant et après les massacres. C’est précisément ce que Sarkozy tente d’occulter en parlant d’« erreur » de la communauté internationale. Il est pourtant impératif, d’un point de vue politique et moral, que les responsabilités des officiels français dans ce génocide soient clairement établies. Comme l’indique l’Appel citoyen de la France sur le Rwanda, lancé par des organisations de gauche et de solidarité internationale : « Le silence de notre pays doit cesser car il prolonge l’injustice vis-à-vis des victimes du génocide »3. Paul Martial1. Voir Afriques en lutte n°5, « Gabon : de quel bois se chauffe le patronat français »2. Éditions Agone, 480 pages, 18 euros3. appel-citoyen-france-rwanda.over-blog.org